Il y a trente ans, sous la dictature militaire d'Augusto Pinochet, Michèle Bachelet était une prisonnière parmi tant d'autres. Son lieu de détention, la Villa Grimaldi, qui cache bien son nom, fut le théâtre de tortures quotidiennes infligées par la police secrète aux opposants de gauche sous le régime Pinochet, de 1973 à 1990. Le site internet de la Villa, transformé depuis en mémorial, évoque avec retenue des "chocs électriques", des "asphyxies" et autres "passages à tabac".
La présidente chilienne est revenue samedi pour la première fois depuis les années 70 en ces lieux marqués d'histoires, marqués de souffrance et a tenu à rendre hommage à ceux qui n'ont pas survécu. La villa, détruite il y a quelques années, a été partiellement reconstituée, pour que le souvenir de ces atrocités ne s'efface pas de la mémoire collective. Devant un mur portant les noms des prisonniers enlevés et tués, la présidente s'est recueillie quelques minutes, en silence.
"Nous sommes des privilégiés"
"C'est un moment douloureux, qui me rappelle des souvenirs tristes d'une époque où la terreur régnait, mais c'est surtout le moment de réaffirmer la vie, la liberté et la paix", a ensuite déclaré la présidente chilienne, en inaugurant un nouveau théâtre au coeur du parc.
Cette médecin de formation fut détenue et torturée avec sa mère avant de quitter le Chili en 1975. Elle s'exila en Australie, puis en Allemagne de l'Est. "Nous sommes des privilégiés parce que nous avons eu la chance de survivre. Des milliers de Chiliens, dont mon père et tant d'autres êtres aimés, n'ont pas survécu à la prison et à la torture", a-t-elle rappelé. Son père, un général de l'armée de l'air, succomba en effet aux tortures pratiquées dans un camp de prisonnier. Tout au long de la dictature de Pinochet, plus de 3000 personnes ont été tuées et l'on dénombre environ 30 000 personnes torturées.
Au point mort
Ces exactions seront peut être un jour punies, puisqu'en septembre dernier, la Cour suprême du Chili a levé l'immunité d'Augusto Pinochet. A 90 ans, l'ancien dictateur pourrait être inculpé de meurtre, torture et autres violations des droits de l'homme pratiqués à la Villa Grimaldi.
Ses avocats tentent pas tous les moyens de lui éviter une telle condamnation, arguant le que général n'était pas au courant des actions menées par ses agents. Augusto Pinochet avait déjà perdu son immunité pour d'autres poursuites, pour violations des droits de l'homme. A ce jour, ces dossiers sont toujours au point mort...