27 août, 2020

AU CHILI, LA VIE DÉMOCRATIQUE REPREND SES DROITS

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Des manifestants favorables à une nouvelle constitution, à Santiago, le 26 février 2020. xDes manifestants favorables à une nouvelle constitution, à Santiago, le 26 février 2020. MARTIN BERNETTI/AFP
PHOTO MARTIN BERNETTI / AFP

Prévue le 26 avril, la consultation a depuis été reportée au 25 octobre en raison de l’épidémie qui a fait près de 11 000 morts dans ce pays de 18 millions d’habitants. Si le Covid-19 circule encore et si le couvre-feu nocturne reste en vigueur, la situation s’améliore et le déconfinement s’organise. 

Par Gilles Biassette

Dans deux mois, le Chili connaîtra un deuxième référendum historique : la victoire du « non » en octobre 1988 avait marqué le début de la fin pour la dictature d’Augusto Pinochet ; la victoire du « oui » en octobre 2020 signifierait la disparition de son héritage le plus pesant, la Constitution de 1980, toujours en vigueur aujourd’hui.


La Constitution Pinochet, amendée mais toujours en vigueur


Adopté sept ans après le coup d’État, le texte a été amendé à plusieurs reprises après la chute du régime militaire, mais sans toucher à sa colonne vertébrale, armature du laboratoire « tout marché » des Chicago Boys (1). Au Chili, chacun doit payer de sa poche pour sa santé, sa retraite, ses études… Malgré un développement sans équivalent dans la région depuis le rétablissement de la démocratie – le taux de pauvreté est passé de 40 % à la fin des années 1980 à environ 10 % aujourd’hui –, le Chili reste l’un des pays les plus inéquitables au monde.

C’est contre ce corset, qui a empêché la concrétisation de plusieurs réformes sociales ambitieuses, qu’un mouvement social soudain a bouleversé en octobre 2019 l’ordre paisible qui régnait dans le pays. Contraint par une mobilisation sans précédent – plus de 1,2 million d’habitants ont manifesté à Santiago le 25 octobre 2019, du jamais vu –, le président Sebastian Pinera, conservateur, avait dû accepter l’organisation d’un référendum.


Le virus n’a pas brisé l’élan de la mobilisation historique de 2019


Le virus a-t-il brisé l’élan qui animait la société chilienne il y a un an, caractérisé par une multiplication des réunions publiques et des prises de parole, sur des thèmes aussi variés que la gratuité des études, la réforme des retraites, privées, et la place des femmes ? « Non, je ne crois pas, répond Cristian Gutierrez, ancien numéro 2 du ministère de l’environnement sous Michelle Bachelet. On voit même des gens de droite prendre position pour le “oui ”, une nouveauté ».


Deux mois de campagne


La campagne, qui se fera essentiellement via les médias traditionnels et les réseaux sociaux, a commencé officiellement le mercredi 26 août. Le camp du « oui » est mené par trois femmes – « signe d’un changement d’époque », note Cristian Gutierrez – représentant la gauche et le centre-gauche : Carmen Frei (démocratie chrétienne), Maya Fernandez (parti socialiste) et Beatriz Sanchez (front large). Les partisans du « non », issus des partis les plus conservateurs, disent ne pas être opposés à certains changements, mais estiment qu’il est possible de modifier, sans le remplacer, le texte de 1980, garant, à leurs yeux, de stabilité.

Pour l’heure, et à en croire les sondages, les premiers sont en position de force : près de deux tiers des Chiliens disent aspirer à une nouvelle constitution. Mais l’enjeu du vote, le 25 octobre, sera plus large. Les électeurs devront se prononcer sur le besoin d’une nouvelle Constitution mais aussi, le cas échéant, sur la méthode : soit une « convention mixte », composée à parts égales de citoyens élus et de parlementaires, soit une « convention constituante » intégralement composée de personnes élues pour l’occasion, option privilégiée par les partisans d’une vaste remise à plat.

(1) Un groupe d’économistes chiliens des années 1970, formés à l’Université de Chicago et influencés par Milton Friedman et Arnold Harberger.

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