30 décembre, 2020

CUBA PASSE À LA MONNAIE UNIQUE : FINI LE CUC

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PHOTO REUTERS

La Grande Île tente de parer au choc éventuel provoqué le 1er janvier par la fin du système des deux monnaies, en vigueur depuis 1994, grâce à une augmentation générale des salaires et des mesures de limitation de la spéculation.
À Cuba, 2021 démarrera sur des chapeaux de roue. Le 1 er janvier, après des années d’attente, la Grande Île mettra fin au système – unique au monde – des deux monnaies en vigueur depuis 1994.

Réunification de la monnaie cubaine. A partir du 1 er janvier, le CUC, peso convertible aligné sur le dollar, sera retiré de la circulation. Le CUP, peso cubain, deviendra la monnaie unique avec un taux de change équivallent à 1 dollar égale 24 CUP. 

Mesure phare, reportée depuis plusieurs années, la réunification du CUC, le peso convertible aligné sur le dollar qui permettait aux entreprises d’État d’importer à un taux de change préférentiel, et du CUP, le peso cubain, est une étape cruciale des réformes économiques engagées à Cuba depuis plusieurs années. Avec le renforcement de l’embargo américain sous l’administration Trump et la crise économique liée au Covid-19, le pays, qui entend en finir avec une économie à deux vitesses, devra en effet se prémunir de toute « thérapie de choc ».

Une augmentation de 525 % du salaire minimum

Ces dernières années, le mouvement syndical a poussé à une réforme générale des salaires alors que les travailleurs reçoivent des primes en CUC en fonction des richesses excédentaires générées par le travail. La réforme « mettra le pays en meilleure position pour mener à bien les transformations qu’exige la mise à jour de notre modèle économique et social, sur la base de la garantie pour tous les Cubains de la plus grande égalité des chances, des droits et de la justice sociale, ce qui sera possible non pas par l’égalitarisme, mais par la promotion de l’intérêt et de la motivation au travail », note le président Miguel Diaz-Canel.

Pour amortir le choc, le gouvernement envisage une hausse générale des salaires, une augmentation de 525 % du salaire minimum, de 450 % des retraites et des mesures pour limiter la spéculation et la tension inflationniste, notamment sur les produits agricoles, dans un contexte où le déficit de l’offre risque également de faire flamber les prix. L’exécutif a en outre renoncé à la hausse prévue des tarifs de l’électricité. « Le gouvernement a fait le choix de réduire les tarifs électriques » par rapport à « ce qui avait été annoncé initialement », a expliqué Marino Murillo, responsable de la mise en œuvre des réformés économiques du Parti communiste cubain (PCC).

Mais la définition du taux de change a ajouté une complexité supplémentaire dans ce processus d’unification monétaire. Le dilemme est de taille alors que le peso cubain vaut vingt-quatre fois moins que le CUC et donc que le dollar américain. Depuis octobre 2019, Cuba autorise de nouveau le dollar pour les achats d’électroménager, de pièces automobiles ou certains produits alimentaires à prix réduits dans les magasins d’État. La valeur du peso menace de se dégrader face au billet vert.

Une réforme délicate pour le gouvernement de Miguel Diaz-Canel

La réforme monétaire vise ainsi à stimuler les secteurs exportateurs et attirer les investisseurs dans une économie qui manque de devises. Cette absence de devises fortes pour soutenir la valeur du CUC a ainsi signé son arrêt de mort. La régularisation de la monnaie fait malgré tout peser des menaces sur les entreprises d’État (85 % de l’économie), qui jouissaient jusqu’alors d’une forme de subvention à l’importation grâce au taux de change spécial d’un pour un. Politiquement, enfin, la réforme est délicate. La nouvelle génération qui a pris le relais avec Miguel Diaz-Canel ne tire pas sa légitimité de la révolution. Elle a tout à la fois à charge de garantir les conquis sociaux, l’unité nationale et d’engager l’île vers une nouvelle étape. La réforme du système monétaire n’est pas « la solution magique à tous les problèmes », prévient le chef de l’État.

L’économie cubaine a connu cette année sa pire chute depuis la « période spéciale »

D’une économie fortement nationalisée, la Grande Île poursuit ainsi sa transition vers une économie mixte sur les modèles chinois ou vietnamien sans néanmoins pouvoir s’appuyer sur une croissance dynamique. L’économie cubaine termine l’année en recul de 11 %, soit la pire chute en 27 ans, lors de la période spéciale qui a suivi la dislocation de l’Union soviétique. La tension s’est particulièrement fait sentir « dans des activités cruciales comme le tourisme, la santé publique, l’éducation et l’activité productive en général, à la fois dans les secteurs public et privé », souligne le ministre de l’Économie Alejandro Gil, qui mise sur une croissance entre 6 et 7 % et l’entrée de 2,2 millions de touristes en 2021 (contre 4,3 millions en 2019). Selon ses prévisions, l’économie devrait retrouver son niveau de 2019 d’ici 2022.