08 septembre, 2022

CHILI : APRÈS LA VICTOIRE DU « NON » AU RÉFÉRENDUM SUR LA NOUVELLE CONSTITUTION, LE GOUVERNEMENT EST REMANIÉ

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PHOTO MARTIN BERNETTI / AFP

L’arrivée de grandes figures issues des gouvernements de l’ex-présidente socialiste Michelle Bachelet (2006-2010 et 2014-2018) marque la réorientation vers le centre gauche traditionnel 
Quarante-huit heures après la victoire massive du « non » au référendum sur la nouvelle Constitution, rejetée dimanche 4 septembre par 62 % des votants, le président Gabriel Boric (gauche) a procédé, mardi, à un remaniement – le premier depuis son arrivée au pouvoir au mois de mars. Ces nouvelles arrivées attestent une réorientation de l’exécutif vers le centre gauche traditionnel, avec l’intégration de personnalités ayant une longue carrière politique, issues des gouvernements de l’ex-présidente socialiste Michelle Bachelet (2006-2010 et 2014-2018), toujours aussi populaire dans le pays.

« Politiquement, c’est peut-être, et je n’ai aucune raison de le cacher, l’un des moments les plus difficiles que j’aie à affronter », a déclaré Gabriel Boric dans la foulée de l’annonce du remaniement, appelant au « dépass[ement] des différences », à une « plus grande cohésion » et à « retrouver la confiance » des Chiliens.

Préoccupations sécuritaires

Changement notable : l’arrivée au ministère de l’intérieur de Carolina Toha, 57 ans, ex-maire de Santiago et ancienne porte-parole du gouvernement Bachelet, dont les compétences politiques font l’unanimité. À ce poste-clé, elle aura notamment à gérer le conflit autour de la restitution des terres de la population indigène mapuche, dans le sud du pays. Faux pas, recrudescence des violences, c’est avant tout ce dossier qui a eu raison de sa prédécesseure, Izkia Siches, pourtant auréolée d’une grande popularité à son arrivée au gouvernement il y a six mois. Son défi consistera également à apporter des réponses en matière d’insécurité, une des grandes préoccupations des Chiliens.


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Ana Lya Uriarte, 60 ans, une autre figure des années Bachelet – elle fut ministre puis cheffe de cabinet sous ses mandats –, est nommée au poste stratégique de secrétaire générale du gouvernement, à qui incombent les relations entre l’exécutif et le Congrès. Sa principale tâche consistera à mettre de l’huile dans les négociations avec les formations centristes, en vue d’alliances au Congrès, où le gouvernement ne dispose pas de majorité. Mme Uriarte succède à Giorgio Jackson, ami historique du président, qui rejoint un ministère moins proche du cœur du pouvoir, le développement social. Son changement de poste, ainsi que le départ d’Izkia Siches, marque donc l’éloignement des amis intimes trentenaires du chef de l’Etat, issus, comme lui, de la révolte étudiante de 2011.

Une page est ainsi tournée pour le gouvernement Boric, dont le programme idéologique était intimement lié au projet de Constitution rejeté dimanche. « Le programme du gouvernement, sa profondeur, dépend aussi en grande partie de ce qui se passera le 4 septembre », indiquait la porte-parole du gouvernement, Camila Vallejo, au mois de juin, présageant des difficultés à appliquer les réformes en cas de rejet. Après avoir été suspendu au résultat du référendum pendant six mois, « le gouvernement sait enfin quel est son cadre. On peut dire que le gouvernement de Boric commence maintenant », estime Jaime Baeza, politiste à la Faculté du gouvernement de l’université du Chili.

Tempo plus progressif

Par ailleurs, « avec ce remaniement qui va dans le sens d’un gouvernement modéré, gradualiste, Gabriel Boric montre qu’il a entendu le message des urnes de dimanche », poursuit le politiste. Le gouvernement va devoir faire montre de ce tempo plus progressif sur ses prochains dossiers : la réforme des impôts et des retraites.

Le recentrage de l’exécutif, estime Jaime Baeza, « va générer une tension avec le Parti communiste, également membre de la coalition, même si, historiquement, il s’agit d’un parti discipliné » lorsqu’il rejoint une alliance. Une membre du PC, la ministre du travail, Jeannette Jara, intègre d’ailleurs le « comité politique », noyau dur du gouvernement. Bénéficiant d’une image positive, elle a orchestré le dialogue avec les partenaires sociaux sur la réduction du temps de travail hebdomadaire, de 45 heures à 40 heures, projet désormais au Congrès.

Mardi, le président a également promis de « ne pas laisser de côté les réformes structurelles sur lesquelles [il s’est engagé] auprès des Chiliens » pour plus de justice sociale. « Les processus de changement social sont toujours de longue haleine », a-t-il tenu à avertir, s’adressant davantage à sa base électorale, un quart des votants au premier tour de l’élection présidentielle en novembre 2021, plus impatiente de voir se concrétiser les réformes promises.

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Pendant l’annonce du remaniement – qui concerne également les ministères de la santé, des sciences et de l’énergie –, des heurts ont éclaté non loin du palais présidentiel, entre la police et des étudiants qui réclamaient une nouvelle assemblée constituante. La poursuite du processus de réécriture de la Constitution et la définition de ses modalités sont actuellement au centre des discussions entre le gouvernement et l’opposition.