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Le poisson pourrit par la tête / Après qu’elle eut réussi à faire repousser le premier projet de nouvelle constitution en septembre 2022, la droite pensait que la route était libre pour gagner la présidentielle de 2025. Depuis, les obstacles s’accumulent. D’abord, les Chiliens ont repoussé le projet de constitution rédigé par l’extrême-droite en décembre 2023. Ensuite, pour les élections locales et régionales d’octobre prochain, toute la gauche et la démocratie-chrétienne ont su s’unir pour faire face à l’offensive de la droite. [« Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark »]
LE POISSON POURRIT
PAR LA TÊTE
ILLUSTRATION
Avec notre correspondant à Santiago, Pierre Cappanera
PIERRE CAPPANERA PHOTO FACEBOOK |
Aujourd’hui, la droite fait face à des révélations qui montrent l’ampleur de la corruption de la classe bourgeoise au Chili. Longtemps le Chili a été considéré comme un pays propre, sans corruption. Il est toujours vrai que si au Chili vous tentez de glisser un billet au policier qui vous arrête pour une infraction routière, vous irez en prison illico. Mais ce qui est vrai des fonctionnaires de base au Chili ne l’est pas au sommet.
► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR
Ça commence comme une série de Netflix. On a d’abord un enregistrement clandestin d’une conversation entre deux avocats et leur client. C’était en juin 2023. L’enregistrement est réalisé par un des avocats qui le remet à la partie adverse, qui le transmet à son tour à la justice et qui en fin de course se retrouve dans les mains de journalistes qui le publient. Cette affaire s’appelle « Caso Audio ». C’était en novembre 2023. La justice se saisit alors de l’enregistrement qui révèle des incitations à corrompre des fonctionnaires. Le procureur engage une procédure au cours de laquelle sont saisis portables et ordinateurs des avocats et de leurs clients.
Les Whatsapp d’un des portables vont beaucoup parler. Cette affaire a reçu le nom de « Caso Whatsapp ». Elle révèle le mode de fonctionnement de la bourgeoisie chilienne. L’entre-soi d’un monde tout petit et les échanges de services, les règlements de problèmes en quelques coups de fils bien choisis… Pour la haute bourgeoisie chilienne, le Chili est son jardin privé. Trafic d’influence, corruption, fraude fiscale de grande ampleur, blanchiment d’argent… elle se sent tout permis. Elle peut tout faire. Quand ce n’est pas elle qui écrit les lois en sa faveur, alors elle s’en affranchit. C’est un monde clos qui vit coupé du Chili. Un monde très riche et tout puissant. Ce monde vit dans quelques quartiers de Santiago, passe ses vacances à Miami et connait les musées européens mieux que beaucoup d’européens.
Depuis fin août, se retrouvent en détention provisoire plusieurs avocats et leurs différents clients, y compris celui qui aurait remis le premier enregistrement à la justice.
Effet domino : sont mis en cause le chef de la police judiciaire, suspendu, des juges, dont une de la Cour suprême, également suspendue, des avocats, des hommes d’affaires, des personnalités politiques de droite, en particulier l’ancien ministre de l’Intérieur de l’ex-président Piñera, Andrés Chadwick, celui sans lequel rien ne se décide à droite. Ce n’est que le début d’une affaire qui va probablement durer des mois sinon des années. De nombreux jugements d’affaires importantes vont être revus. Des affaires classées où apparaissaient les noms de Piñera vont sans doute être rouvertes. Des personnalités seront sûrement mises en détention. C’est un véritable tsunami que connait le Chili. La vague vient juste de commencer et, comme toute vague de tsunami, elle grossit en avançant.
Il faut rappeler, à l’encontre de tous ceux qui affectaient de croire que le Chili était un pays « propre », que la corruption a véritablement commencé avec Pinochet. Le général s’est considérablement enrichi, ainsi que toute sa famille, pendant la dictature. Il touchait une commission sur tous les achats d’armes par le Chili. À sa mort on a découvert une centaine de comptes en banque ouverts à son nom aux USA. Le fisc est toujours en négociation avec la famille pour tenter de récupérer ce qu’il peut, c’est-à-dire dire peu en relation avec les montants volés par l’ex-dictateur.
En sortant de la dictature, le Chili a commencé à reconstituer un État de droit. Pour y arriver vraiment, il manque encore deux pas à faire pour le Chili. Tout d’abord arriver à gérer cette affaire jusqu’au bout, c’est-à-dire en remettant la justice à la première place, plutôt que les arrangements entre copains et coquins. Ensuite le Chili devra régler définitivement la question des disparus de la dictature que les militaires bloquent toujours. Ils ne veulent toujours pas dire, 51 ans après le coup d’État du 11 septembre 1973, où et quand et comment sont morts les disparus. Les militaires, par ailleurs très impliqués dans différents scandales financiers, se considèrent encore au-dessus des lois.
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DESSIN LO COLE |
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