24 mars, 2007

LE CHILI, LE MARCHÉ LE PLUS DYNAMIQUE DE LA RÉGION

23.03.2007 L'Amérique latine a le vent en poupe. Après vingt ans de stagnation, la région a renoué avec la croissance en 2002. «Ce sont d'abord les pays libéralisés comme le Chili qui profitent de cette évolution», estime José Luis Machinea, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC)
José Luis Machinea, Secrétaire exécutif de la CEPALC.

L'Amérique latine a certes profité des quatre dernières années pour assainir ses finances. Mais elle se voit aujourd'hui confrontée à plusieurs défis, en particulier celui d'instaurer un calendrier de développement qui lui permette d'entretenir une croissance économique durable, susceptible de réduire la pauvreté et d'améliorer l'équité sociale. C'est ce qu'a souligné José Luis Machinea, Secrétaire exécutif de la CEPALC (Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes), à l'occasion d'un entretien accordé à l'issue de la réunion du Cercle de Montevideo, le 26 janvier dernier à San José au Costa Rica.

Monsieur Machinea, comment les pays latino-américains pourraient-ils devenir plus compétitifs?

La région a besoin d'exporter davantage de valeur, c'est-à-dire de savoir-faire, de diversifier la structure productive et d'innover. Pour y parvenir, il est indispensable que les Etats investissent davantage dans l'éducation et dans les transferts de technologie. Il faudrait donc que les gouvernements mettent en place une stratégie conjointe avec le secteur privé.


Cela signifie-t-il que les nations d'Amérique latine doivent signer des traités de libre-échange?


Les traités de libre-échange ne sont pas la panacée, mais il ne faut pas non plus les diaboliser. Aujourd'hui, nous vivons dans une économie mondialisée et il faut savoir s'intégrer dans ce système. Malheureusement, certains ont parfois tendance à croire que la mondialisation n'est qu'une idée, une idéologie. Or, c'est bel et bien une réalité technique, incontournable. Il convient d'en tirer parti en couvrant le plus grand nombre de marchés possibles et en favorisant une plus grande libéralisation. En Amérique latine, le pays qui a réussi à signer le plus de traités est le Chili. Or, avec plus de 50 traités commerciaux, c'est aujourd'hui l'économie la plus dynamique du continent. Naturellement, chaque pays devra adapter sa stratégie à ses besoins et à ses problèmes, mais c'est bien vers le libéralisme qu'il faut tendre.

D'après la CEPALC, que doivent faire les gouvernements dans le domaine des politiques économiques?

Les gouvernements doivent investir davantage pour réduire la pauvreté et les inégalités. Même si la croissance économique a été importante en Amérique latine au cours des dernières années, n'oublions pas que l'économie latino-américaine a stagné entre 1980 et 2002. Les chiffres le montrent: le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 2,5% seulement et le revenu par habitant de 0,6%. Au cours des quatre dernières années, la situation a changé, avec une hausse du PIB de 15%, ce qui est encourageant. Cependant, comme l'économie de notre région a toujours été très volatile, le défi auquel les gouvernements sont désormais confrontés est d'inscrire ce bilan positif sur le long terme.

De quelle façon pourrait-on renforcer durablement cette dynamique positive?

Nous le répétons depuis longtemps: pour rendre les économies moins volatiles, il faut mettre en œuvre des politiques macroéconomiques anticycliques. De 1960 à 2006, l'Amérique latine et les Caraïbes ont multiplié par deux la volatilité de l'économie mondiale. Cette situation a des conséquences négatives dans la mesure où elle génère une incertitude qui décourage les grands investissements en capitaux. Il y a également un impact sur la pauvreté, car les classes défavorisées ont moins d'actifs.

Quels points positifs avez-vous observés dans la région au cours des quatre dernières années?

Il s'est passé quelque chose d'inédit dans l'histoire de l'Amérique latine. La région est en train de croître avec une balance courante excédentaire, ce qui réduit sa vulnérabilité budgétaire vis-à-vis des autres pays. L'excédent cumulé de la balance courante continue de croître, mais à des degrés différents selon les pays. Ainsi, le Venezuela, le Brésil, l'Argentine et le Chili représentent 25% de l'excédent de la région. C'est très positif car cela réduit la vulnérabilité: les pays sont moins dépendants de l'épargne étrangère, ils ont donc moins besoin de s'endetter.

Pour quelle raison enregistre-t-on cet excédent en Amérique du Sud et pas en Amérique centrale?

Tout simplement parce que les nations d'Amérique du Sud exportent des matières premières. L'Amérique centrale, en revanche, exporte essentiellement des produits manufacturés.

A la CEPALC, vous insistez sur le fait que les gouvernements doivent donner la priorité à la cohésion sociale. Est-ce le cas en Amérique latine?

Ce doit être un objectif pour toute l'Amérique latine, mais ce n'est pas encore le cas. La cohésion sociale implique un «sentiment d'appartenance» à un projet commun offrant à la population des conditions propices à l'épanouissement humain. Il ne peut y avoir de cohésion sociale s'il y a de la pauvreté, des inégalités, de la méfiance à l'égard des institutions et des partis politiques, etc. En Amérique latine, les gens font davantage confiance à la télévision qu'aux partis politiques, aux parlements et aux systèmes judiciaires.

Quel est le rôle de la politique d'éducation?

Il est crucial. Tout échec sur le terrain de l'éducation se paie comptant au niveau économique. Sans vouloir faire de rhétorique, je dirais que c'est en améliorant l'éducation ainsi que la connaissance de l'environnement mondial que l'on parviendra à aider la population à s'en sortir dans une économie de plus en plus globalisée.

Quelles sont les prévisions économiques de la CEPALC pour l'Amérique latine?

Nous pensons que la région continuera de progresser sur le plan économique. La croissance a été de 5% en 2006 et devrait s'établir à 4,5% en 2007. Ces chiffres très encourageants contraignent les gouvernements à mettre en œuvre des stratégies de développement, c'est-à-dire un calendrier impliquant les institutions, le capital humain, les infrastructures et les instances du secteur de la connaissance. Le but est de doter les pays d'avantages concurrentiels pour qu'ils puissent se maintenir dans la chaîne productive. L'inscription de la croissance dans la durée reste un grand défi, c'est indéniable.


Pour en savoir plus:
-Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC)
- Biographie de José Luis Machinea (en anglais)