05 mars, 2007

Mort d’un tyran. Éditorial : REVUE VOLCANS

Augusto Pinochet, le symbole même de la politique de sécurité nationale dictée à l’Amérique latine par les États-Unis au cours des années 60 et 70, est mort. Avec lui disparaît l’un des exemples les plus dramatiques des crimes et méfaits que la guerre froide «à l’américaine» a commis dans cette vaste région du monde.

Il est mort dans son lit, tranquille et impuni, accompagné de sa famille et du cardinal archevêque de Santiago. Son impunité n’a pas été le fruit du hasard, mais le produit d’une politique délibérée et sciemment planifiée par les autorités politiques et judiciaires chiliennes. Des années durant, elles ont tergiversé, reporté et compliqué jusqu’à l’extrême les procédures légales qui mettaient en accusation l’ancien dictateur. En agissant de la sorte, elles ont laissé passer le temps et permis à la mort d’absoudre le tyran. Grâce à la pusillanimité officielle, qui n’a jamais osé imposer la justice, ce criminel est mort« légalement innocent ».

L’attitude des autorités chiliennes a constitué la négation la plus ouverte et flagrante de l’engagement juridique et moral qu’elles avaient contracté face aux autorités britanniques, alors qu’en 1999 elles cherchaient à rapatrier le tyran de Londres à Santiago. En effet, à l’époque, en arguant de la nature démocratique du Chili et de l’indépendance de son pouvoir judiciaire, l’ex-Président Eduardo Frei Ruiz-Tagle (actuel président du Sénat) et son ministre des Relations extérieures José Miguel Insulza (actuel secrétaire général de l’OEA) s’étaient engagés à faire juger et à condamner Pinochet dans son propre pays.

À l’époque, nombreux sont les Chiliens qui, avec nous, ont douté de ces promesses. L’histoire a fini par nous donner raison.

L’explication de fond de cette situation n’est compréhensible que lorsqu’on connaît la véritable nature de la « Concertation démocratique », coalition au pouvoir depuis 1990. Formée de socialistes liés, au moins par le nom, à celui qui fut le parti du Président Allende, et par la Démocratie Chrétienne, l’un des pires ennemis de l’Unité Populaire, cette alliance a eu dès le début pieds et poings liés pour faire éclater la vérité et imposer la justice. Le Chili et les victimes ont dû alors se contenter d’enquêtes tronquées et de jugements condamnant toujours des deuxièmes couteaux et épargnant certains hauts personnages. Ceci a été le cas du général Arrellano Stark, auteur matériel des crimes de la « caravane de la mort », du général Javier Palacios, soudard qui prit d’assaut le palais de la Moneda et, bien évidemment, de Pinochet lui-même.

Quant à ce dernier, certes, en ne faisant pas justice, la classe dirigeante chilienne a failli à sa tâche démocratique la plus élémentaire. Cela n’a pas empêché l’histoire et l’opinion publique du monde entier d’avoir condamné le tyran depuis déjà bien longtemps.