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PHOTO JACQUELYN MARTIN / ASSOCIATED PRESS |
DISPARITION - Le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est décédé mardi après avoir contracté le Covid-19. Il avait 65 ans.
Il avait été de toutes les négociations avec Israël depuis 25 ans. Saëb Erekat incarnait le processus de paix israélo-palestinien. Dans ses espoirs. Comme dans ses échecs.
Le négociateur en chef des Palestiniens est mort mardi à l’âge de 65 ans, à l’hôpital Hadassah de Jérusalem. Atteint de problèmes pulmonaires chroniques, iI avait été diagnostiqué positif au coronavirus, avait annoncé le 8 octobre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Depuis, il avait restreint ses engagements. Souffrant de fibrose pulmonaire, Saëb Erekat avait subi en 2017 une greffe du poumon dans un hôpital américain, avant de reprendre ses activités. «Le départ d’un frère et d’un ami, du grand combattant, le Dr Saëb Erekat, est une grande perte pour la Palestine et pour notre peuple, et nous en sommes profondément attristés», a réagi dans un communiqué en arabe Mahmoud Abbas, le président palestinien.
Anglophone parfait, Saëb Erekat était l’une des figures palestiniennes les plus connues à l’étranger. Et pour cause. Cet ancien professeur à l’Université de Naplouse a participé à tous les pourparlers de paix, infructueux pour la plupart, avec Israël. Des négociations menées dans la foulée des accords d’Oslo sur l’autonomie palestinienne à partir de 1995, sous la houlette de son premier chef Yasser Arafat. Jusqu’aux derniers conduits par Mahmoud Abbas. Ses détracteurs se moquaient de lui en arguant qu’il était devenu un «professionnel des négociations qui n’aboutissaient jamais».
Éternel partisan de la «solution des deux États»
Proche des États-Unis, Saëb Erekat n’a jamais figuré parmi les faucons autour de Yasser Arafat ou de son successeur Mahmoud Abbas. Contraint de constater l’impasse de cette longue phase de négociations avec l’État hébreu, Saëb Erekat avait durci le ton, au fil du temps, tout en se déclarant attaché aux accords avec Israël.
Secrétaire général de l’OLP et proche du président palestinien Mahmoud Abbas, Saëb Erekat a encore multiplié ces dernières semaines les déclarations contre la normalisation des relations entre Israël et des pays du Golfe sans paix préalable entre les Palestiniens et l’État hébreu. Mais jusqu’à sa mort, il était resté un partisan de la «solution des deux États», la Palestine aux côtés d’Israël, pour régler le conflit.
«Je m’efforce en permanence de raviver le dialogue, de faire en sorte que mon peuple garde espoir, de trouver les ressorts pour que la paix reste à l’esprit des Palestiniens et des Israéliens, surtout les générations futures», affirmait-il dans un entretien au magazine Jeune Afrique en janvier 2020. Erekat se refusait à considérer que les accords d’Oslo - auquel lui-même ne fut pas associé - aient été «une erreur». «Qu’y a-t-il de mauvais à s’asseoir autour d’une table pour résoudre un conflit et enrayer la violence?» s’interrogeait-il.
« L’administration Trump soutient l’occupation, il n’y a plus rien à négocier. Dieu a tranché. » Saëb Erekat
Le négociateur rappelait qu’en 2017, il avait rencontré 37 fois les émissaires américains Jared Kushner - gendre de Donald Trump - et Jason Greenblatt. Mais Saëb Erekat avait rapidement compris qu’il n’y avait rien à attendre de l’administration Trump. «Elle soutient l’occupation, il n’y a plus rien à négocier. Dieu a tranché», déclarait-il en référence à l’appui donné par les télévangélistes américains à l’État hébreu.
Saëb Erekat était un farouche opposant des islamistes palestiniens du Hamas, qui contrôlent depuis plus de dix ans la bande de Gaza. Il redoutait que l’Autorité palestinienne - issue des Accords d’Oslo - ne soit plus l’unique intermédiaire pour décider du sort de Gaza.
Le rapprochement conclu cet été entre les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël a constitué une nouvelle défaite pour le négociateur palestinien.
Un «Palestinien de l’intérieur»
Il partit en 1972 étudier à San Francisco où il resta une dizaine d’années, avant de terminer ses études en Grande-Bretagne. Au début des années 1980, il rentra en Cisjordanie où il devint professeur de Sciences politiques à l’Université al-Najah de Naplouse, un des hauts lieux de la première Intifada, la révolte palestinienne contre l’occupant israélien, à partir de 1987. Saëb Erekat devint également un contributeur régulier du journal palestinien, Al-Qods, édité à Jérusalem-Est (est-il fermé). Contrairement à beaucoup de dirigeants palestiniens rentrés dans les bagages de Yasser Arafat, après les accords d’Oslo, Saëb Erekat faisait partie des «Palestiniens de l’intérieur». Aux premières élections législatives palestiniennes de 1996, il fut élu député de Jéricho, l’oasis apaisée de la vallée du Jourdain.
«Je l’ai connu en 2000 il était dans l’ombre de Nabil Shaat, il prit de l’ampleur après. C’est quelqu’un qui a fait son métier d’être négociateur, c’était un professionnel des pourparlers qui n’aboutissaient pas. Ce qui lui attira les critiques de certains Palestiniens et de caciques de l’Autorité palestinienne qui ne voulaient plus le voir. Il n’était probablement pas un grand joueur d’échecs», confie un diplomate français qui l’a bien connu.