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Paris, 15 mars 2021. La Covid-19 ne pourra pas toujours être le prétexte du gouvernement français pour se défendre de multiples échecs et de certaines décisions prises, et cela vaut également pour le domaine diplomatique, à seulement 14 mois de l’élection présidentielle.
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Cependant, par ignorance ou désintéressement de l'Élysée, la voix de la France en Amérique Latine et dans les Caraïbes n’est pas à la hauteur des défis et des dangers, et n’est pas non plus une source d’espoir pour des milliers de femmes et d’hommes qui ont souffert pendant plusieurs années du poids des politiques néolibérales et de la violence exercée par des gouvernements néoconservateurs.
Il y a 40 ans, lorsque les dictateurs avaient les mains ensanglantées, les peuples d’Amérique Latine pouvaient compter sur une France solidaire, humaniste et consciente. C’était la France de Mitterrand.
Aujourd’hui, la stratégie d’Emmanuel Macron avec la région est inexistante, ce qui représente un réel recul quant à l’action diplomatique de son prédécesseur. De fait, avec près de 10 voyages présidentiels en Amérique Latine, François Hollande a placé cette région au centre de sa politique étrangère.
L’un des principaux points de son mandat a été la visite officielle à La Havane en tant que premier chef d’État européen à visiter l’île depuis des décennies. La France a été audible, proactive, présente.
Pendant plusieurs années, la situation en Amérique Latine s’est profondément détériorée. L’arrivée au pouvoir de gouvernements néoconservateurs a signifié, et dans certains cas signifie encore, un retour au point de départ après plusieurs années de progrès social.
Des Gouvernements comme ceux de Jair Bolsonaro (Brésil), Iván Duque (Colombie), Sebastián Piñera (Chili) ou Lenín Moreno (Équateur) imposent un libéralisme économique du XIXème siècle et prônent l’atomisation de l’État au détriment des plus vulnérables dans une région qui reste l’une des plus inégalitaires du monde.
ÉVOLUTION DE LA SITUATION POLITIQUE EN AMÉRIQUE LATINE
Heureusement, la situation politique change dans certains pays, notamment en Argentine et récemment en Bolivie avec les victoires d’Alberto Fernández et Luis Arce, respectivement.
Mais où était la France quand la crise sociale a éclaté au Chili, en octobre 2019, laissant une trentaine de morts et plus de trois mille cinq cents blessés, sans parler de la descente de chars militaires dans les rues de Santiago qui rappellent les heures sombres de 1973 ? Le pays compte encore plusieurs dizaines de prisonniers politiques.
Où était la France lors du coup d’État contre Evo Morales en Bolivie, qui a fait de nombreuses victimes mortelles et des dizaines de blessés ? Où est la France pour condamner les massacres répétés contre des leaders paysans et/ou écologistes en Colombie, au Brésil et en Amérique centrale ?
Où est la France pour exiger le respect de l’Accord de Paix de La Havane entre l’État colombien et l’ex-guérilla des FARC-EP?
Il y en a assez des politiciens qui préfèrent fermer les yeux au nom d’intérêts économiques et financiers qui profitent aux élites. La politique étrangère de la France mérite mieux qu’une simple balance commerciale.
En Amérique Latine, il y a un refrain populaire : 'el que calla, otorga' (« qui ne dit mot consent »t). Le silence est égal au consentement! Il est vrai que condamner le gouvernement chilien de Sebastián Piñera pour violations des droits de l’Homme, alors que la France a été condamnée pour violences policières par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, n’aurait eu aucun sens.
INCAPABLE D’EXERCER UNE DIPLOMATIE HUMANISTE
C’est dans cette position que se trouve aujourd’hui le gouvernement de Macron, incapable d’exercer une diplomatie humaniste et cohérente avec les droits de l’Homme.
Il y a également la question vénézuélienne. Une solution diplomatique est la seule voie possible, et celle-ci ne passe pas par la reconnaissance d’un 'président intérimaire' pour forcer Nicolas Maduro vers la sortie.
Lorsque la France a choisi de s’aligner sur les États-Unis de Trump sur un sujet aussi délicat, elle a ignoré l’histoire du pays de Bolivar, n’a pas mesuré les risques et ne veut pas voir les conséquences d’une telle aventure.
Cette arrogance occidentale envers le Sud de notre monde, au mépris des principes directeurs de la communauté internationale, est une perte de temps impardonnable pour la crise que vit le Venezuela.
À un moment comme celui que vivent de nombreux peuples latino-américains, ce qu’il faut espérer c’est un soutien aux populations concernées, de fortes condamnations diplomatiques, la mise en place de mécanismes et d’alliances pour trouver des solutions crédibles aux crises. Nombreux sont ceux en Amérique Latine qui n’oublieront pas les silences à convenance. peo/arb/pl
*Expert français en coopération internationale et spécialiste de l´Amérique Latine.