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PHOTO VINCENZO PINTO / AFP Une victime et un lanceur d’alerte nommé à la Commission pontificale pour la protection des mineurs. Le pape François a pris une décision à forte valeur symbolique, mercredi 24 mars, en choisissant le Chilien Juan Carlos Cruz pour intégrer cette commission créée en 2014, chargée de faire des propositions «afin de réaliser tout ce qui est possible pour assurer que des crimes comme ceux qui ont eu lieu ne se répètent plus dans l’Église ».
Briser l’omerta
ce dernier, qui a exprimé « sa reconnaissance » au pape pour cette nomination, est engagé depuis des années dans un combat contre les abus sexuels dans l’Église et l’omerta de l’institution. Une bataille personnelle puisque Juan Carlos Cruz est l’une des victimes du père Fernando Karadima.
Cet ancien formateur charismatique de prêtres a été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d’avoir commis des actes pédophiles dans les années 1980 et 1990, renvoyé de l’état clérical et condamné à mener une vie de pénitence.
Pédophilie, le témoignage d’une victime chilienne à l’envoyé du pape
Avec d’autres victimes, Juan Carlos Cruz a joué un rôle fondamental pour lever le voile sur des années de silence dans l’Église chilienne. Il a notamment alerté le pape François dès 2015 lorsque celui-ci a nommé Mgr Juan Barros à la tête du diocèse d’Osorno, lui adressant une lettre, dans laquelle il décrivait les abus subis par le père Karadima, affirmant que Mgr Barros y avait assisté. Mais à l’époque et jusqu’au voyage du pape au Chili en janvier 2019, François affiche son soutien à l’évêque.
Reçu par le pape
Pourtant, peu après son retour au Vatican, le pape décide d’envoyer Mgr Charles Scicluna, archevêque de Malte, « pour écouter ceux qui ont exprimé la volonté de soumettre des éléments en leur possession » concernant le cas de Mgr Barros. À cette occasion, l’envoyé du pape rencontre Juan Carlos Cruz. « Pour la première fois, j’ai le sentiment qu’on nous écoute », avait déclaré ce dernier à l’issue de l’entretien, dont il était sorti « épuisé émotionnellement ». « Je suis très content d’avoir pu parler à Mgr Scicluna », lequel a fait preuve de « compassion » et d’« empathie », avait-il poursuivi.
Deux mois après cet échange, Juan Carlos Cruz, comme deux autres victimes chiliennes, est longuement reçu individuellement par le pape à la maison Sainte-Marthe, sa résidence au Vatican. Quelques jours avant, François avait reconnu publiquement avoir « commis de graves erreurs dans l’évaluation et la perception de la situation » dans une lettre aux évêques chiliens.
Liberté de parole
« Lorsque le pape m’a demandé pardon, je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi contrit. J’ai senti qu’il avait mal », a raconté Juan Carlos Cruz. François lui a également dit : « Dieu t’aime ainsi », en évoquant son homosexualité. Un entretien qui avait été suivi par une convocation des évêques chiliens à Rome pour rencontrer le pape, laquelle s’était conclue par une spectaculaire démission en bloc de l’épiscopat chilien après la gestion calamiteuse des scandales d’abus sexuels.
Par ailleurs, la ténacité des victimes du père Karadima, et notamment celle de Juan Carlos Cruz, avait finalement abouti, en mars 2019. La justice chilienne condamnait alors l’Église à indemniser des victimes de l’ancien prêtre.
En nommant le lanceur d’alerte à la Commission pontificale pour la protection des mineurs, le pape choisit une personnalité engagée, avec une grande liberté de parole. Depuis quelques jours, il est ainsi vent debout contre la note de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Celle-ci « déclare illicite toute forme de bénédiction qui tend à reconnaître (les) unions » homosexuelles.
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