PHOTO JAVIER TORRES / AFP |
¡MARI MARI KOM PU CHE! / *«Salutations à vous tous!»
« Cette Constituante va transformer le Chili. » C’est par ces mots et après avoir salué en mapudungun, la langue du peuple indigène mapuche, que l’universitaire Elisa Loncon, tout juste élue présidente de l’Assemblée constituante chilienne, a lancé dimanche 4 juillet 2021 le processus de rédaction de la nouvelle loi fondamentale.
UNE DU QUOTIDIEN “LAS ÚLTIMAS NOTICIAS” |
Elue au deuxième tour avec 96 voix sur 155, cette professeure de linguistique, originaire de la région de l’Araucanie (sud), qui occupe l’un des dix-sept sièges réservés aux peuples originaires, a souligné que c’était là un rêve partagé par toutes les communautés du Chili dans leur diversité : le rêve de prendre soin de la Terre Mère, d’accéder aux droits sociaux et au droit à l’eau.
Remerciant les « différentes coalitions » ayant permis l’élection d’une « personne mapuche, une femme, pour changer l’histoire de ce pays », Mme Loncon – également titulaire de deux doctorats, en sciences sociales de l’Université de Leiden (Pays-Bas) et en littérature de l’Université catholique du Chili – a étendu sa gratitude « à la diversité sexuelle, aux femmes qui ont marché contre tout le système de domination », permettant aujourd’hui une nouvelle « manière d’être plurielle, démocratique et participative».
Un processus démocratique inédit
UNE DE « PUBLIMETRO » DU 05/07 2021 |
La journée de dimanche a été marquée par une suspension de près de trois heures de la séance, en raison des tensions et des affrontements à l’extérieur de l’ancien Parlement où étaient réunis les élus.
Une partie des 155 constituants était sortie pour exiger le retrait des forces spéciales du centre de la capitale, alors que plusieurs affrontements avaient lieu entre des forces anti-émeutes et une poignée de civils. « Nous ne pouvons pas être sereins s’il y a une répression à l’extérieur », avait dit Mme Loncon, justifiant la suspension de la séance.
Les candidats indépendants représentent 40 % des élus
Dans l’histoire du Chili, « c’est la première fois que les citoyens ont pu élire un corps pour écrire » une Constitution, souligne auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Claudio Fuentes, professeur à l’université Diego-Portales. A l’issue du vote des 15 et 16 mai, les nouveaux constituants sont apparus comme très hétérogènes. Les candidats indépendants représentent 40 % des élus, au détriment des listes montées par les partis traditionnels.
Pour de nombreux analystes, cette Assemblée constituante « ressemble au Chili réel », avec des militants écologistes, des dirigeants communautaires, des avocats, des professeurs, des journalistes, des économistes, mais aussi des femmes au foyer. Les représentants des partis politiques traditionnels sont minoritaires et aucune force politique ne dispose du tiers nécessaire pour mettre son veto, les délibérations devant être approuvées aux deux tiers.
Un nouveau référendum en 2022
Parmi les membres de l’Assemblée constituante, une vingtaine d’individus faisaient partie des Chiliens descendus dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol lors de la fronde sociale qui a éclaté le 18 octobre 2019. Ciblant d’abord une hausse du prix du ticket de métro à Santiago, la contestation s’est vite transformée en un mouvement sans précédent contre les inégalités sociales.
Face à l’ampleur des manifestations, qui ont culminé le 25 octobre avec 1,2 million de manifestants, les partis politiques avaient conclu un accord pour un référendum sur un changement de Constitution (plébiscité à 79 %). De nombreux manifestants accusaient le texte, voté en 1980, d’être le pivot du système économique ultralibéral mis en place sous Augusto Pinochet (1973-1990) et un frein à toute réforme sociale de fond.
À l’issue de leurs travaux, la nouvelle Constitution sera soumise à un référendum en 2022. En cas de rejet, le texte actuel restera en vigueur.