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FLYER CAMPAGNE ÉLECTORALE GABRIEL BORIC
Entretien avec Antonio Valdivia, membre du Parti communiste chilien, 15 décembre 2021 – Membre du Parti communiste chilien habitant en France, Antonio Valdivia a accepté de répondre à des questions pour Initiative communiste, afin de faire le point sur la situation au Chili à la veille du second tour de l’élection présidentielle entre Gabriel Boric et José Antonio Kast. En espérant une victoire du camp patriotique et populaire ce 19 décembre 2021 porté par Gabriel Boric!
ANTONIO VALDIVIA PHOTO UNIDAD Y DIGNIDAD |
Dimanche 19 décembre 2021 a lieu le second tour de l’élection présidentielle au Chili, opposant Gabriel Boric, issu du mouvement étudiant et populaire et bénéficiant du soutien du PC chilien, et José Antonio Kast, ultralibéral atlantiste nostalgique de Pinochet et arrivé, à la surprise générale, en tête au premier tour: comment vois-tu l’issue de ce scrutin ?
Je suis convaincu que la mobilisation de tous les démocrates portera ses fruits et que les rétrogrades n’auront pas la victoire, car on a vu ces derniers jours que la jeunesse a basculé du coté du changement ; de plus, les organisations sociales, les syndicats de travailleurs, les étudiants et les citoyens appellent à voter Boric, et surtout à voter contre Kast. Les sondages prévoient une plus forte participation qu’au premier tour, ce qui fera la différence en faveur de Gabriel Boric.
Initiative Communiste : Depuis plus deux ans, un immense mouvement populaire secoue le Chili et a débouché sur la fin de la constitution de l’époque de Pinochet. Alors qu’un processus constituant progressiste et populaire est en cours, comment expliquer que Kast soit arrivé en tête au premier tour?
PHOTO RODRIGO GARRIDO |
Il faut d’abord préciser que la constitution de Pinochet est toujours en cours de validité, avec de petits changements mineurs, mais l’essentiel est là : comme une épée de Damoclès, elle nous rappelle contre quoi on se bat. Et ce ne sera qu’à la fin de ce processus constituant qu’une nouvelle constitution sera proposée aux Chiliens, qui devront l’approuver par référendum populaire ; si jamais elle n’est pas approuvée, la constitution actuelle, celle de Pinochet, continuera à régir la vie politique du Chili, mais cette fois ci légitimée par le refus de la nouvelle constitution.
Le score de Kast trouve ses origines dans la forte abstention, depuis le referendum du 25 octobre 2020 (78% des électeurs ont voté pour changer la constitution). En effet, le gouvernement de droite, les partis de droite et d’extrême droite, associés aux grandes consortium et groupes économiques, mènent une campagne de terreur médiatique, avec l’objectif final provoquer de l’apathie dans une partie de la population pour que cette dernière ne participe pas aux élections, en développant un discours de la peur attisé par l’abandon policier des quartiers populaires qui aggrave le sentiment d’insécurité. Ainsi, la propagande habile des médias (télévision, radio, journaux) fait ses unes sur les vols, agressions, incendies criminels commis par des groupes d’inconnus, et plus encore l’utilisation de l’immigration comme cause des problèmes des Chiliens.
Aujourd’hui, le Chili attire les personnes des pays voisins : on décompte environ 450.000 Vénézuéliens, 235.000 Péruviens, 185.000 Haïtiens, 160.000 Colombiens, 120.000 Boliviens et autres nationalités pour arriver à plus d’un million d’êtres humains en situation de détresse. Car comme en Europe, cet afflux de main d’œuvre bon marché profite d’abord au patronat avec la séquelle de travail au noir, précarité aux postes de travail. C’est là qu’on voit le vrai visage des capitalistes.
Les forces de droite et d’extrême droite mènent une «sale campagne basée sur des mensonges » et des opérations médiatiques incitant à la « peur sociale » et au « terrorisme médiatique ». On peut voir une série de fausses nouvelles, mensonges, distorsions, fausses déclarations et informations erronées promues par l’extrême droite et ses associés
Enfin, la non-résolution de problèmes immédiats de la population comme l’emprisonnement politique des révoltés d’octobre 2019 justifie l’abstention, puisqu’il y a eu 5.084 personnes mises en examen, plus de 2.500 emprisonnés et aujourd’hui, plus de 50 sont encore en prison préventive. Les entourages de ces prisonniers est déçu des politiques : ils font partie de ceux qui ne se sont pas déplacés aux bureaux de vote.
Initiative Communiste : Le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF), tout comme d’autres formations communistes et progressistes apporte son soutien complet au PC chilien et à la candidature Boric; Kast bénéficie-t-il du soutien de la droite et de l’extrême droite européennes et, si oui, comment ?
Oui. Ceux qui mènent cette campagne sont les partis de la droite espagnole – Partido Popular avec Pablo Casado et Vox avec Santiago Abascal. Mais il y a aussi Sven von Stock, époux de de la comtesse et députée de l’Alternative pour l’Allemagne (AFD) Beatrix von Oldenburg, sans oublier Viktor Orban en Hongrie. Leur soutien est financier et vise également à la formation de cadres et la mise en place de plans de saturation de réseaux sociaux à travers des fausses informations, des attaques contre les sites web alternatifs et la guerre cybernétique.
Initiative Communiste : En Europe, et notamment en France, nous assistons à une fascisation dans le cadre de l’Union européenne (qui assimile le communisme au nazisme) qui détruit les conquêtes sociales et démocratiques et qui menace les progressistes (et notamment les communistes). Qu’en est-il de la situation en Amérique latine ? La fascisation constitue-t-elle une menace aussi lourde pour les gouvernements progressistes, et plus spécifiquement pour l’avenir du Chili ?
Effectivement, lorsque la droite et les milieux financiers s’aperçoivent que la volonté populaire est contraire à leurs intérêts de classe, ils enlèvent leur masque de droite républicaine et démocratique et ils deviennent moins démocratiques et plus autoritaires ; en somme, des fascistes ! Ils déploient un discours de la peur et de la haine d’autrui, basé sur l’intégrisme religieux chrétien. Leur slogan « Communisme ou Liberté » est martelé tous les jours, que ce soit au Brésil de Bolsonaro, dans la Bolivie de putschistes (avant l’arrivée au pouvoir de Luis Arce), et au Chili en mobilisant leurs miliciens contre les immigrés : ceci a culminé à Iquique, ville du nord du Chili, où les manifestants ont attaqué des personnes en attente de régularisation (voir les liens suivants : https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-58700359; https://www.rfi.fr/es/am%C3%A9ricas/20210927-ataque-contra-migrantes-venezolanos-en-el-norte-chile-desata-ira-del-gobernador-de-tarapac%C3%A1
Initiative Communiste : Qu’en est-il du Parti communiste chilien en termes d’influence et de forces nationales ainsi que et relations avec les autres partis communistes d’Amérique latine ?
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Le Parti communiste du Chili a obtenu le meilleur résultat électoral depuis 1973 lors des élections parlementaires du 21 novembre 2021 :2 sénateurs, 12 députés et 21 conseillers régionaux ont été élus. La députée Karol Cariola a été réélue avec le plus grand nombre de voix de tout le Chili. Le Parti communiste devient le parti majoritaire de la coalition de gauche. Ces bons résultats et les projections expliquent la campagne anticommuniste féroce menée par la droite et ses partenaires d’extrême droite.
De plus, lors des élections municipales et des conseillers municipaux le 16 mai 2021, le PC chilien a gagné la mairie de Santiago avec la jeune femme Iraci Hassler et 3 conseillères municipales PC, dont une d’elle obtient la première majorité ; dans les 52 communes de la région de Santiago, le PC obtient 63 conseilleurs municipaux : il devient ainsi le parti qui compte le plus d’élus dans la région.
Au niveau national, le PC chilien fait 9.23%.
Quant aux rencontres entre les communistes en Amérique latine, elles sont fréquentes, sauf dans cette période de pandémie : la dernière date du 16 avril 2019.
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DESSIN ENEKO |