02 octobre, 2025

LE VENEZUELA PRÊT À DÉCRÉTER L’ÉTAT D’URGENCE POUR FAIRE FACE AUX MENACES AMÉRICAINES

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LE PRÉSIDENT VÉNÉZUÉLIEN, NICOLAS MADURO,
À CARACAS, LE 30 SEPTEMBRE 2025.
PHOTO JHONN ZERPA
ITERNATIONAL / VENEZUELA / 
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Le Monde

Le Venezuela prêt à décréter l’état d’urgence pour faire face aux menaces américaines / 
Craignant une escalade militaire avec les Etats-Unis, qui, depuis six semaines, multiplient les démonstrations de force au large du Venezuela en prétextant la lutte contre le narcotrafic, le président Nicolas Maduro a pris des mesures lui octroyant davantage de pouvoir si la pression devait s’intensifier.

Par Marie Delcas (Bogota, correspondante) Temps de Lecture 3 min.

pour faire face à la menace d’une « agression de l’empire américain », le Venezuela de Nicolas Maduro a annoncé qu’il se tenait prêt à décréter, dès le mardi 30 septembre, l’état de « commotion extérieure ». Cette figure équivalente à un état d’urgence, prévue par la Constitution, octroie des pouvoirs élargis au chef de l’Etat. La mesure a été présentée la veille par la vice-présidente, Delcy Rodriguez, qui s’exprimait devant un parterre de diplomates. « Jamais nous ne livrerons la patrie », s’est enflammée cette dernière, avant de rappeler que si les États-Unis doivent attaquer le Venezuela, « tout le pays va souffrir, toute la région va souffrir et même les États-Unis vont souffrir ».

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FLYER JANNETTE JARA

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Depuis l’arrivée au pouvoir du prédécesseur de Nicolas Maduro, Hugo Chavez, en 1999, Caracas a souvent dénoncé les velléités déstabilisatrices de Washington et l’existence de plans ourdis par l’opposition avec l’aide des Américains pour en finir avec la révolution bolivarienne. Mais c’est la première fois que le gouvernement chaviste déclare un état d’urgence extérieure.

La menace est, cette fois-ci, sérieuse. Sous couvert de lutte contre la drogue, Washington semble décidé à impulser un « changement de régime » à Caracas. Depuis mi-août, une flotte de guerre américaine sillonne la mer des Caraïbes, au large des eaux territoriales vénézuéliennes. Au cours du mois de septembre, trois embarcations en provenance du Venezuela, supposément chargées de cocaïne, ont été coulées et leurs 17 occupants ont été tués, sans sommation.

L’indignation suscitée par la mort de 17 civils n’a engendré aucune réaction de la part de Donald Trump. « Depuis que nous avons coulé des bateaux, il n’y a plus de drogue qui entre dans notre pays par la mer. Maintenant nous allons suivre très sérieusement les cartels qui arrivent par voie terrestre », a déclaré, mardi, le président américain. Les États-Unis étudieraient la possibilité de pourchasser les narcotrafiquants à l’intérieur du territoire vénézuélien.

« Il y a agression sur toute la ligne »

Citant des sources gouvernementales anonymes, le New York Times informait dans son édition de mardi que l’administration Trump envisageait la mise en place d’une « stratégie plus agressive » contre le Venezuela, d’une « vaste campagne qui intensifierait la pression militaire pour tenter de forcer Nicolas Maduro à partir ».

Selon le quotidien, des discussions seraient en cours entre l’administration Trump et « deux figures majeures de l’opposition » pour préparer l’après-Maduro. La ligne dure est défendue par le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, qui déclarait fin septembre devant les caméras de la chaîne Fox News : « Nous n’allons pas permettre qu’un cartel qui opère comme un gouvernement ou se fait passer pour tel agisse dans notre propre hémisphère. » Les États-Unis considèrent comme illégitime le gouvernement de Nicolas Maduro, qui, au pouvoir depuis douze ans, s’est adjugé en juillet 2024 une victoire électorale très contestée.

Le président vénézuélien revendique pour son pays le droit à la légitime défense. « Il n’y a pas de tensions, il y a agression sur toute la ligne, a déclaré Nicolas Maduro à l’occasion d’une conférence de presse, lundi 15 septembre. Il y a agression judiciaire quand ils nous criminalisent. Il y a agression politique quand ils nous menacent quotidiennement. Il y a agression diplomatique et il y a une agression militaire qui se prépare. »

Vendredi 26 septembre, à la tribune de l’Organisation des Nations unies, le ministre des relations extérieures, Yvan Gil, disait son pays victime de « mensonges vulgaires et pervers », sans citer les États-Unis. « Nous réitérons devant le monde que le Venezuela n’a jamais été et ne sera jamais une menace pour aucune nation au monde », a déclaré le ministre.

Avertissement visant la dirigeante de l’opposition

L’état d’urgence a été déclaré pour quatre-vingt-dix jours renouvelables, bien que son texte n’ait pas encore été rendu public. Si les États-Unis attaquent, a expliqué Mme Rodriguez, « le président pourra immédiatement mobiliser l’armée, fermer les frontières, militariser les infrastructures essentielles, l’industrie pétrolière et les industries de base ».

La vice-présidente a indiqué que le gouvernement entend traîner devant la justice « toute personne qui promeut, soutient, facilite une agression militaire ou en fait l’apologie ». L’avertissement vise la dirigeante de l’opposition, Maria Corina Machado, qui a soutenu les dernières initiatives de Donald Trump. « Ceux qui appellent ouvertement à une invasion militaire ne peuvent pas être considérés comme vénézuéliens », a insisté Mme Rodriguez. Elle ne doute pas que les Américains veulent mettre la main sur le pétrole, le gaz, l’or et autres richesses naturelles de son pays.

L’état d’urgence autorise le chef de l’État à restreindre les libertés publiques. Les organisations de défense des droits humains s’inquiètent d’une nouvelle dégradation de la situation et d’une militarisation accrue de la société, sous prétexte de défense nationale. Le quotidien El Nacional  [journal de l'oligarchie vénézuélienne à des mensonges pour justifier un changement de gouvernement au Venezuela.] considère, pour sa part, que le décret pourrait « provoquer de nouvelles sanctions » de la part de Washington et « renforcer encore l’alliance entre Caracas et la Russie, la Chine et l’Iran ».

Marie Delcas (Bogota, correspondante)

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01 octobre, 2025

MEXIQUE. CLAUDIA SHEINBAUM, UN AN AU POUVOIR : ENTRE POPULARITÉ RECORD ET DÉFIS TITANESQUES

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LA PRÉSIDENTE MEXICAINE, CLAUDIA SHEINBAUM, SALUANT LA
FOULE APRÈS SON INVESTITURE, À MEXICO, LE 1ᵉʳ OCTOBRE 2024.
PHOTO CARL DE SOUZA/AFP
Courrier
international
Mexique. Claudia Sheinbaum, un an au pouvoir : entre popularité record et défis titanesques / Après une année à la tête du Mexique, marquée par d’épineux sujets comme la lutte pour les droits des femmes et des minorités, les tensions avec Donald Trump, la corruption et la violence persistantes, la présidente Claudia Sheinbaum bénéficie d’une popularité record, mais dresser son bilan s’avère complexe. La presse retient toutefois que la dirigeante a su garder son sang-froid face à des défis loin d’être résolus. 

Courrier international 

Ce mercredi 1er octobre marque la première année au pouvoir de la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum Pardo. Première femme élue à la tête du Mexique, un pays grand comme quatre fois la France et peuplé de 133,4 millions d’habitants, elle avait été saluée dès son élection par la presse internationale.

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Les médias locaux et étrangers avaient insisté à la fois sur la portée symbolique de l’élection de la première cheffe d’État à la tête du Mexique depuis la proclamation de son indépendance, il y a deux cent quinze ans, et sur le parcours scientifique de l’ancienne chercheuse, qui a notamment participé à plusieurs travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

Chili / élection présidentielle le 16 novembre 2025

Une intelligence artificielle (IA) fut alimentée avec les sentiments des
tweeters de chaque candidat à la présidence et a été invitée à voir ces
sentiments reflétés dans l'image de chaque candidat et voici les résultats :
@Jou_Kaiser, @jeannette_jara,  @joseantoniokast, @evelynmatthei
 IMAGEN GENERADA POR IA

Un an plus tard, Claudia Sheinbaum affiche une popularité record, qu’elle a su maintenir à un niveau élevé au fil des mois. Selon une enquête menée par le cabinet de sondage Enkoll pour El País América et W Radio, 79 % des Mexicains lui accordent leur soutien, un niveau inédit pour une dirigeante latino-américaine.






CLAUDIA SHEINBAUM, PRÉSIDENTE MEXICAINE LORS D’ CONFÉRENCE
 DE PRESSE AU PALACIO NACIONAL, LE 18 SEPTEMBRE 2025, À MEXICO.
PHOTO MANUEL VELASQUEZ
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Le Monde

Au Mexique, les facteurs de la popularité de Claudia Sheinbaum après un an à la présidence / L’élue gouverne de façon moins clivante que son prédécesseur et elle bénéficie du bilan social des gouvernements de gauche, avec un taux de pauvreté ramené de 42 % à 29,6 % depuis 2018. Face à l’administration Trump, elle a obtenu plusieurs sursis sur les droits de douane et un accord sur la sécurité.
Par Anne Vigna (Mexico, correspondante)

Publié hier à 15h45, modifié hier à 17h13  Temps de Lecture 4 min.
presque un an après sa prise de fonctions, la présidente mexicaine de gauche a multiplié les symboles et les messages à l’occasion de la Fête nationale du Mexique, le 15 septembre. Claudia Sheinbaum portait pour cette occasion une tenue violette brodée par des artisanes nahuas de Tlaxcala et n’était entourée que de femmes militaires. Pour la première fois dans l’histoire du pays, la cheffe de l’Etat a nommé les femmes qui avaient participé à la lutte pour l’indépendance mais n’avaient jamais eu l’honneur d’être citées aux côtés des hommes. Elle a conclu cette cérémonie dite du « Cri de l’indépendance » par un : « Vive les femmes indigènes ! Vive nos sœurs et nos frères migrants ! Vive le Mexique libre et souverain ! »

Ces phrases, qu’elle a souvent martelées depuis son arrivée à la présidence le 1er octobre 2024, résument la politique que la présidente de gauche a souhaité impulser : une aide sociale destinée en priorité aux femmes les plus pauvres, un appui constant aux migrants mexicains installés aux Etats-Unis, et une défense de la souveraineté mexicaine face aux attaques toujours plus virulentes du président américain, Donald Trump. En présentant son bilan devant la nation le 1er septembre, elle a détaillé les principales réalisations de son début de mandat.


Son féminisme a sans nul doute une fibre sociale mais n’a pour l’instant guère amélioré la violence subie par les Mexicaines, alors que le nombre de féminicides atteint quasiment celui de 2024 – il y en a eu 338 entre janvier et juillet.

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Sa préoccupation pour les migrants mexicains, elle, n’englobe que partiellement la situation des autres migrants qui traversent le pays en direction des Etats-Unis et qui restent exposés au crime organisé et parfois disparaissent en cours de route. En cette fin septembre, le Mexique compte 133 705 personnes disparues depuis le lancement, en 2006, de la guerre contre le narcotrafic par l’ex-président Felipe Calderon (2006-2012).

« Solidité de l’économie mexicaine »

Comme avec son prédécesseur, Andres Manuel Lopez Obrador, dit « AMLO » (2018-2024), les disparus ne figurent pas dans le bilan mensuel fourni par le cabinet présidentiel de sécurité. « Personne ne comprend pourquoi la gauche continue d’ignorer ce drame, qui reste le grand défi non résolu de ce nouveau mandat », considère John Ackerman, directeur du programme d’études sur la démocratie, la justice et la société à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM).

En un an, Claudia Sheinbaum a montré une façon de gouverner plus sereine et moins clivante que celle d’« AMLO ». « C’est une scientifique, avec une carrière universitaire et qui sait résoudre les problèmes, comme elle l’avait montré quand elle dirigeait la ville de Mexico [entre 2018 et 2023] », estime encore John Ackerman. La présidente s’est notamment différenciée de son mentor sur la question de l’insécurité. « Elle applique la stratégie de sécurité la plus sévère depuis vingt ans, s’attaquant non seulement au crime organisé, mais aussi aux extorsions, à la contrebande et à la corruption, y compris au sein de son propre parti », considère l’analyste Viri Rios, directrice de la newsletter « Mexico decoded ».

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La présidente a totalement abandonné la politique « Abrazos, no balazos » (« Des accolades, pas des fusillades ») mise en place par « AMLO » pour les jeunes délinquants, tout en conservant et en renforçant les programmes sociaux destinés à la jeunesse. Elle reprend en revanche régulièrement d’autres slogans de l’ancien président pour illustrer sa politique : « Pour le bien de tous, les pauvres d’abord » et « Il ne peut y avoir de gouvernement riche avec un peuple pauvre ».

Le bilan social de la gauche après sept ans au pouvoir explique en grande partie l’immense popularité – autour de 80 % – dont bénéficie la présidente. La réduction historique de la pauvreté, qui est passée de 42 % à 29,6 % de la population depuis 2018 grâce à la hausse régulière du salaire minimum, représente aujourd’hui la preuve la plus tangible de ce succès.

« Claudia Sheinbaum entretient avec le monde entrepreneurial une relation totalement différente de celle d’“AMLO”. Grâce à la collaboration des entrepreneurs, elle a pu instaurer un contrôle des prix sur le panier de la ménagère afin de limiter l’inflation », fait valoir Viri Rios. Dans le bilan qu’elle a rendu public le 1er septembre, la cheffe d’Etat a rappelé « la solidité de l’économie mexicaine ». « Le peso ne s’est pas dévalué comme beaucoup l’avaient prédit, et l’investissement étranger a atteint un niveau record de 21,4 milliards de dollars [soit environ 18,2 milliards d’euros] au premier trimestre 2025 », a-t-elle relevé.

Réel intérêt sur la scène internationale

Les défis qui attendent Claudia Sheinbaum sont cependant immenses face à l’incertitude que représente aujourd’hui la relation avec les États-Unis. Si elle a obtenu plusieurs sursis sur les droits de douane et un accord sur la sécurité qui respecte la souveraineté du Mexique, l’année 2026 s’annonce difficile, avec la renégociation de l’Accord de libre-échange entre Canada‑États-Unis‑Mexique (Aceum) et des signes évidents de stagnation de l’économie. « Elle disposera toutefois de plus de marge de manœuvre que cette année, où “AMLO” lui avait laissé en héritage des réformes constitutionnelles à faire adopter, notamment la réforme de la justice, ainsi qu’un budget très restreint », considère l’analyste politique Carlos Bravo Regidor.

Depuis les élections générales de juin 2024, son parti, le Mouvement Régénération nationale (Morena), domine le Congrès avec ses alliés, occupant 72 % des sièges de la Chambre des députés et 68 % du Sénat. Cette majorité a permis l’adoption de 40 lois et 19 réformes constitutionnelles, dont la moitié avaient été engagées sous le mandat d’« AMLO ». Ces réformes, qui couvrent des domaines très variés – éducation, santé, environnement, administration, énergie, etc. –, transforment en profondeur l’État mexicain, en particulier en révisant les dispositions adoptées « pendant la période néolibérale », comme Claudia Sheinbaum et « AMLO » désignent les gouvernements de droite qui les ont précédés.

Retranché dans son ranch du Chiapas, dans le sud du Mexique, l’ancien président n’est jamais intervenu dans la vie politique du pays depuis son départ, comme il s’y était engagé. « Plus personne ne parle de la présidente comme de la “marionnette d’AMLO” ; une réflexion machiste qu’on entendait beaucoup lors de son élection. Il est désormais bien clair qu’elle a un agenda politique et un style de gouvernement propres », considère Viri Rios.

Claudia Sheinbaum suscite aussi un réel intérêt sur la scène internationale. « Avant, nos dirigeants se déplaçaient à l’étranger, mais avec Sheinbaum, ce sont désormais les dirigeants étrangers qui viennent au Mexique », souligne Viri Rios. Après le premier ministre canadien, Mark Carney, venu en septembre, c’est la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui est attendue en octobre, puis le président français, Emmanuel Macron, en novembre.
Par Anne Vigna (Mexico, correspondante)