05 novembre, 2018

L’OFPRA A ACCORDÉ VENDREDI LE STATUT DE RÉFUGIÉ POLITIQUE À RICARDO PALMA SALAMANCA

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VITRAIL ALLEGORIQUE DE LA JUSTICE QUI ORNE 
LE PALAIS DES TRIBUNAUX A SANTIAGO DU CHILI

Après plus de vingt ans de cavale, l’Ofpra a accordé vendredi le statut de réfugié politique à l’homme recherché par Santiago pour l’assassinat d’un théoricien de la dictature de Pinochet.
LA FICHE DE RICARDO PALMA
EST ENCORE EN LIGNE SUR LE SITE 

INTERNET DE LA PDI ET PORTE LA
MENTION «PERSONNE DANGEREUSE».
CAPTURE D"ÉCRAN
La fiche de Ricardo Alfonso Palma Salamanca est encore en ligne sur le site internet de la police d’investigation (PDI) du Chili et porte la mention « personne dangereuse ». En regard de la publication d’une photo noir et blanc prise alors qu’il était encore mineur, la police précise que ce ressortissant chilien est en fuite. Aujourd’hui, Ricardo Alfonso Palma Salamanca a les cheveux gris. Il est âgé de 49 ans et sa localisation est bien connue. Il n’est plus en cavale depuis plusieurs mois et possède désormais le statut de réfugié politique en France. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) vient de lui accorder ce statut, au grand dam du Chili qui réclame l’extradition de cet ancien guérillero depuis son arrestation à Paris en février.

UNE ÉVASION SPECTACULAIRE 
Les autorités chiliennes espéraient pouvoir remettre la main sur l’un des hommes les plus recherchés depuis la fin de la dictature. Ricardo Palma Salamanca s’était fait la belle le 30 décembre 1996, lors d’une évasion spectaculaire de la prison de haute sécurité de Santiago du Chili. Il s’était évadé grâce à un hélicoptère en compagnie de trois autres membres du Front patriotique Manuel Rodríguez (FPMR), un mouvement armé d’extrême gauche né pendant la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Ricardo Alfonso Palma Salamanca purgeait dans cette prison une peine de prison à perpétuité, notamment pour l’assassinat, le 1er avril 1991, de Jaime Guzmán, sénateur et théoricien du régime Pinochet. Il avait également été condamné pour avoir participé, quelques mois plus tard, à l’enlèvement d’un fils du propriétaire de l’influent quotidien chilien El Mercurio.

«Tortures».

« L’ENQUÊTE MENÉE PAR LA POLICE CHILIENNE
S’EST ACCOMPAGNÉE D’ACTES DE TORTURE »
PHOTO 
SETTYSOUTHAM
Le gouvernement chilien insiste sur le fait que Ricardo Palma Salamanca a été jugé et condamné après le retour de la démocratie et qu’il doit donc regagner le Chili pour payer sa dette. Une vision que n’ont jamais partagée ses avocats, qui dénoncent depuis de longues années un procès injuste au cours duquel leur client n’a pas pu se défendre équitablement. Des affirmations reprises aujourd’hui en France par Me Jean-Pierre Mignard, qui le défend dans la procédure d’extradition. « L’enquête menée par la police chilienne s’est accompagnée de traitements inhumains et dégradants, ainsi que d’actes de torture », explique l’avocat. Il affirme que les aveux de son client ont alors été obtenus sous la violence et précise qu’il s’est ensuite rétracté.

LE CHILIEN RICARDO ALFONSO PALMA
AU PALAIS DE JUSTICE DE PARIS, 

LE 10 OCTOBRE.
PHOTO HANDOUT. 
Les soutiens de Ricardo Palma Salamanca, en France et au Chili, avancent les mêmes arguments. C’est donc avec soulagement qu’ils ont accueilli la décision de l’Ofpra d’accorder l’asile politique à cet homme en fuite depuis plus de vingt et un ans et qui aurait passé une grande partie de sa cavale au Mexique. Tous rappellent que Ricardo Palma Salamanca s’est battu contre la dictature quand Augusto Pinochet concentrait encore tous les pouvoirs et qu’il a même participé à une tentative d’attentat contre lui, le 7 septembre 1986. À l’époque, une vingtaine d’opposants avaient attaqué dans les environs de Santiago le convoi du dictateur. Après l’élection démocratique du président Patricio Aylwin fin 1989, Ricardo Palma Salamanca faisait partie de ceux et celles qui ont refusé de déposer les armes.

«Terroriste».

Aux yeux du président chilien, Sebastián Piñera, un homme de droite réélu en décembre 2017 pour un second mandat de quatre ans, les crimes et délits perpétrés par Palma Salamanca sont de nature «terroriste» et ils ne doivent donner lieu à aucune autre lecture. Il a eu l’occasion de s’entretenir du dossier Palma Salamanca avec Macron lors d’une visite à Paris début octobre.

BRIGITTE MACRON RECYCLE UNE DE SES
ROBES FAVORITES SIGNÉE LOUIS VUITTON
PHOTO STÉPHANE LEMOUTON 
Dans une interview télévisée dimanche, le chef de l’État chilien a estimé que l’Ofpra avait commis une erreur, mais a affirmé comprendre que l’organisme fonctionne de manière indépendante. Il a annoncé son intention d’envoyer une lettre au chef de l’État français pour lui demander que le «traité d’extradition entre les deux pays soit respecté». Une démarche qui semble vaine, en vue de l’audience prévue le 12 décembre devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris : Macron peut difficilement demander au pouvoir judiciaire de trancher dans un sens ou un autre, et il serait surprenant que la justice accepte de renvoyer dans son pays un ressortissant chilien qui vient d’obtenir l’asile politique en France. Fin juin, elle avait choisi d’attendre de connaître la décision de l’Ofpra avant de trancher en faveur du guérillero.

FAMILLE DE RÉSISTANTS CHILIENS 
PALMA - BRZOVIC