20 mars, 2020

ACCUSÉE DE VIOLENCES, LA POLICE CHILIENNE SERA RÉFORMÉE

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DES POLICIERS CHILIENS LORS D’UNE MANIFESTATION 
ANTI-GOUVERNEMENT, LE 24 JANVIER À SANTIAGO. 
PHOTO MARTIN BERNETTI/AFP
Analyse. Cinq mois après le début de la crise sociale qui a donné lieu à des abus policiers, le président Sebastian Piñera annonce une réforme du corps des carabiniers.
Par Gilles Biassette
TABASSAGE : UN ÉTUDIANT
 « UN CAS EXCEPTIONNEL,
 INACCEPTABLE ET INTOLÉRABLE»
DESSIN ALEN LAUZAN 
La crise sociale qui secoue le Chili depuis le 18 octobre a terni l’image d’une institution jusqu’à présent populaire auprès de la population : les carabiniers. Accusée d’usage excessif de la force, cette police, rattachée depuis 2011 au ministère de l’intérieur - et non de la défense nationale, comme auparavant, depuis le coup d’État de 1973-, sera réformée en profondeur, a assuré le président Sebastian Piñera.

Une réforme « urgente et indispensable »


« La réforme et la modernisation du corps des carabiniers sont quelque chose d’urgent, d’indispensable », a déclaré, mardi 17 mars, le chef de l’État conservateur, au pouvoir depuis 2018. Cette force de 60 000 hommes et femmes est fortement critiquée pour sa gestion du maintien de l’ordre depuis le début d’une crise sociale qui a coûté la vie, y compris lors d’accidents divers, à 31 personnes. Des milliers d’autres ont par ailleurs été blessées, dont plusieurs centaines sérieusement.

« L’armée et la police se sont livrées à des attaques généralisées contre les manifestants causant la mort de quatre d’entre eux et donnant lieu à des nombreux cas de tortures et de blessures graves, dénonce l’ONG Amnesty International dans un rapport publié fin février. Plus de 350 des blessés ont été sévèrement touchés aux yeux. »

Des accusations répétées


Récemment encore, lors d’une marche le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale de la femme, une vidéo montrant le passage à tabac d’un homme de 69 ans par deux carabiniers armés de lourdes matraques s’est répandue sur les réseaux sociaux, obligeant Gonzalo Blumel, le ministre de l’intérieur, à un timide mea culpa.

Pour lancer cette réforme, un décret a été promulgué par le président Pinera, qui « fixe une feuille de route pour la nécessaire et urgente modernisation » de la police chilienne afin d’améliorer le maintien de l’ordre, les respects des droits humains et les relations avec la population. Cette approche, qui s’inspire des conclusions remises fin janvier, d’un groupe d’experts et de parlementaires réunis à la demande du gouvernement, sera présentée dans le détail la semaine prochaine au parlement.

Plus de transparence, plus de femmes


Parmi les nombreuses propositions désormais sur la table figurent la création d’un ministère de la sécurité publique - afin de séparer le maintien de l’ordre d’attributions plus politiques dévolues au ministère de l’intérieur -, des initiatives pour établir plus de transparence ou encore une attention particulière au recrutement de femmes, très minoritaires chez les carabiniers.

Avec cette annonce, Sebastian Piñera, dont le taux d’approbation a chuté aux environs de 10 % depuis le début de la crise, tente de répondre à certaines revendications exprimées par la société civile au cours des cinq derniers mois. La grogne n’a pas cessé depuis le 18 octobre 2019, poussant le gouvernement conservateur à céder sur des points importants, à commencer par la réforme de la Constitution, adoptée au plus fort du régime Pinochet, en 1980. Les Chiliens sont ainsi appelés aux urnes le 26 avril prochain pour approuver, ou non, l’idée d’une nouvelle Constitution et choisir la manière de rédiger ce nouveau texte. En dépit de l’inquiétude croissante liée au coronavirus, ce référendum est, pour l’heure, toujours maintenu.

LE GÉNÉRAL MARIO ROZAS, DIRECTEUR 
DES  CARABINIERS DU CHILI ACCUSÉE 
DE VIOLENCES POLICIÈRES
DESSIN ALEN LAUZAN