13 mai, 2020

CORONAVIRUS. LE CHILI RENONCE À SON PASSEPORT D’IMMUNITÉ

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
CONTRÔLE DE POLICE SUR LA PLACE D’ARMES DE SANTIAGO, 
OÙ LE CONFINEMENT A ÉTÉ ASSOUPLI LE 6 MAI 2020.
PHOTO  MARTIN BERNETTI, AFP
La prudence l’a finalement emporté. Dimanche, après plus d’un mois d’annonces et de tergiversations, le gouvernement du Chili a repoussé sine die la remise de passeports d’immunité Covid-19. Deux jours plus tôt, l’exécutif s’enorgueillissait encore de devenir le premier pays au monde à délivrer le fameux sésame, suscitant notamment l’intérêt des États-Unis ou de l’Allemagne.

Ce certificat devait dispenser les bénéficiaires des restrictions de circulation, favoriser leur reprise du travail et la relance de l’économie, selon le vœu de retour à une nouvelle normalité  exprimé par le président Sebastián Piñera.

Fin avril, la mise en place des certificats avait déjà été repoussée à cause  d’un problème informatique . Dimanche, le gouvernement a avancé des raisons éthiques.  On ouvrait la porte à une série d’odieuses discriminations, a justifié Jaime Mañalich, le ministre de la Santé. Ce document aurait pu donner à son détenteur des privilèges que d’autres n’auraient pas, comme une priorité à l’embauche ou l’accès à certains lieux publics, par exemple.  Des experts avaient également pointé le risque d’un trafic de faux passeports.

Cette suspension a été accueillie avec soulagement.  Une sage décision, se félicite Patricio Meza, vice-président de l’ordre des médecins. Nous avons perdu beaucoup de temps sur un sujet qui n’a jamais eu le soutien de la communauté scientifique.  Dès la mi-avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait exprimé des réserves.

Scientifiques sceptiques


De nombreux doutes subsistent quant à la fiabilité des tests sérologiques. Clé de voûte du protocole imaginé par les autorités chiliennes, le prélèvement sanguin doit établir la présence d’anticorps IgG qui, selon le ministre de la Santé,  permettent de développer une immunité de trois mois à un an .

Une affirmation rejetée par de nombreux chercheurs qui s’interrogent sur la qualité et la durée de la réponse immunitaire à la Covid-19.  Le SRAS-CoV-2 est un virus que nous ne connaissions pas il y a quatre mois, rappelle Óscar Arteaga, médecin et chercheur en santé publique à l’Université du Chili. Beaucoup d’entreprises souhaitent vendre leurs tests alors que leur fiabilité n’est pas avérée. 

Selon Óscar Arteaga, il est probable que le passeport ne voie jamais le jour.  Concentrons-nous sur la vague épidémique , insiste-t-il. Ces dix derniers jours, la courbe des cas de Covid-19 s’est envolée, au point de bientôt saturer le système de santé de la région de Santiago du Chili où vit près de 45 % de la population.