07 mai, 2020

AU CHILI, SEBASTIÁN PIÑERA OBTIENT UN RÉPIT ET CHERCHE À REBONDIR

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MINÉE PAR UNE CONTESTATION SOCIALE, LA COTE DE POPULARITÉ
DU  PRÉSIDENT CHILIEN,  SEBASTIÁN PIÑERA  EST PASSÉE DE 6 %,
DÉBUT MARS, À 25 %, SELON LES DERNIÈRES ENQUÊTES D’OPINION.

PHOTO ALEX IBAÑEZ
Le chef de l’État a indiqué, jeudi 30 avril, ne pas exclure un nouveau report du référendum portant sur un changement de Constitution.
« JE VOIS QUE TU AS BESOIN D'AIDE... »
DESSIN MICO
Minée par une contestation sociale, la cote de popularité du président chilien, Sebastián Piñera est passée de 6 %, début mars, à 25 %, selon les dernières enquêtes d’opinion.

Santiago


PHOTO ALEX IBAÑEZ
Fixé au dimanche 26 avril, le référendum portant sur un changement de Constitution devait faire date dans l’histoire du Chili. Le scrutin, repoussé au 25 octobre en raison de la pandémie, était censé apporter une issue institutionnelle à la plus grave crise sociale traversée par le pays depuis le rétablissement de la démocratie. La hausse du prix du ticket de métro à Santiago en octobre dernier avait servi de détonateur, entraînant plusieurs mois de protestations, de violences et de pillages qui s’étaient soldés par un bilan de 31 morts.

Symbole de ce passé récent incandescent, le graffiti «Históricas» peint sur la place Baquedano, épicentre des manifestations dans la capitale, Santiago, rappelle la dernière mobilisation d’envergure ; le 8 mars, plus d’un million de femmes étaient venues marcher pour leurs droits. Une semaine plus tard, le début d’une série de fermetures - écoles puis commerces et administrations - venait suspendre sine die la contestation sociale.

Crise sanitaire et tempête économique


Sebastián Piñera ne boude pas ce répit inespéré. L’arrivée du virus dans le pays a permis au président conservateur d’effectuer une remontée notable dans les sondages. Selon les dernières enquêtes, il frôle les 25 % de soutien, contre 6 % début mars, et environ 40 % des Chiliens approuvent sa gestion de la crise sanitaire.

Couvre-feu nocturne, confinement «dynamique» pour les villes et quartiers les plus touchés par le virus, passeport sanitaire pour voyager d’une région à l’autre, dépistage quotidien de 4 000 à 5 000 personnes présentant des symptômes du Covid-19… À entendre l’exécutif, ces mesures ont permis de contenir la propagation du Sars-CoV-2 dans les quartiers aisés de la capitale, les premiers touchés par le virus, et elles conforteraient la stratégie d’immunité collective recherchée par les autorités sanitaires.

Malgré une opposition portée disparue depuis le début de la révolte sociale, la marge de manœuvre du président milliardaire demeure cependant étroite. «D’un côté, la gestion de la crise sanitaire offre un peu d’air à Sebastián Piñera, observe Rossana Castiglioni, chercheuse en Sciences politiques à l’université Diego-Portales. De l’autre, le président est continuellement bousculé, tant par les maires que par Izkia Siches, la présidente du Colegio médico, la corporation des médecins.» Cette praticienne de 34 ans a réussi à faire s’asseoir autour d’une table l’ensemble des partis politiques, des organisations patronales, syndicales et étudiantes, pour leur faire prendre la mesure de la menace.

À la crise sanitaire s’ajoute désormais la tempête économique. La banque centrale chilienne table sur une récession de 2,5 % en 2020. Le taux de chômage pourrait doubler et atteindre 15 %. «La classe moyenne précarisée et les plus vulnérables sont en première ligne, poursuit Rossana Castiglioni. Le travail informel concerne 2,6 millions de personnes sans contrat ni protection sociale. Les mesures de relance présentées jusqu’ici ne favorisent pas ces catégories.»

«Nouvelle normalité»


Vendredi 24 avril, Sebastián Piñera a dévoilé son plan pour une «nouvelle normalité», synonyme de réouverture progressive de l’économie. Une décision critiquée, alors que le nombre de cas confirmés de Covid-19 a connu une forte augmentation ces sept derniers jours, et que le pic de contagion est prévu courant mai. «Il y a une contradiction explicite, analyse Pamela Figueroa, politologue à l’université de Santiago du Chili. Le président répond aux demandes des élites économiques vivant là où l’épidémie paraît maîtrisée, et il met au second plan la crise sanitaire, qui commence à frapper les banlieues populaires de la capitale et plusieurs villes de notre territoire.»

Pour l’universitaire, le coronavirus exacerbe les inégalités sociales dans un pays où le système public de santé est sous-financé. «Sebastián Piñera donne des arguments à ceux réclamant la fin du modèle néolibéral et le retour d’un État fort. Le cap fixé jusqu’à aujourd’hui a tout pour réactiver le mouvement social une fois passé la vague de contamination», pronostique Pamela Figueroa.

Une hypothèse renforcée par une récente déclaration du chef de l’État. Sebastián Piñera a indiqué, jeudi 30 avril, ne pas exclure un nouveau report du référendum portant sur un changement de Constitution, «en fonction de l’évolution de la pandémie et de la crise sociale».

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