05 novembre, 2022

ARCHIVES / LES GRÈVES DE LA FAIM EN FAVEUR DES DISPARUS SE MULTIPLIENT À TRAVERS LE MONDE

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FLYER PCCH
Huit Chiliennes et sept Chiliens observent, depuis le 26 mai, une grève de la faim dans un bâtiment de la paroisse Saint-Hippolyte, avenue de Choisy, à Paris (13e). Ces quinze personnes entendent ainsi manifester leur solidarité aux quelque deux cents personnes qui, au Chili même, jeûnent, certaines depuis deux semaines, afin d'attirer l'attention de l'opinion publique sur le cas de centaines - deux mille cinq cents, selon certaines sources - de citoyens " disparus " depuis le coup d'État militaire du 11 septembre 1973, et d'obtenir des autorités des informations sur leur sort.
FLYER JUAN LUIS RIVERA MATUS 
le mouvement, commencé le 22 mai à Santiago par cinquante-sept personnes, est en train de prendre des dimensions exceptionnelles.


Non seulement au Chili - où étaient, aux dernières nouvelles ( dénombrés quinze lieux de jeûne, douze à Santiago et trois en province, à Valparaiso, à Conception et à Talca - mais un peu partout en Europe occidentale, en Amérique du Nord et du Sud - y compris à Buenos-Aires - et même en Australie ; au total, dans soixante et onze villes.

Les quinze protagonistes du jeûne de Saint-Hippolyte ont de vingt ans à quarante ans, et sont en France, certains, depuis quatre ans. Tous ont un parent, ou un proche, parmi les " disparus ". Ainsi, Maria Angelica Rivera Sanchez, allongée sur un matelas entre deux de ses camarades, tend une feuille sur laquelle elle a consigné l'histoire de son père, Juan Luis Rivera Matus, emmené de son travail le 6 novembre 1975 par quatre personnes, en présence de nombreux témoins, et sur lequel, depuis lors, la famille n'a pu avoir aucune information.

Bien que chacun d'eux ait déjà perdu de quatre à cinq kilos, le moral demeure bon. Les grévistes estiment que le mouvement a déjà obtenu des résultats substantiels. Ainsi, la presse chilienne a, pour la première fois, explicitement mentionné le problème des disparus. Le très influent Mercurio a consacré à cette question un éditorial indiquant qu'il serait sans doute souhaitable d'indemniser les familles. Un journal de Concepcion a publié une liste de disparus de la province. Des manifestations de soutien ont eu lieu ici et là.

La "fausse amnistie"

Les protagonistes du mouvement dénoncent la " fausse amnistie " annoncée le 19 avril par le chef de l'État. Ils constatent que la possibilité de rentrer au Chili est refusée à de nombreux citoyens et que de nombreuses personnes demeurent détenues dans tout le pays (les autorités leur dénient la qualité de " prisonniers politiques " en raison du fait qu'elles ont été jugées ou sont en instance de procès).

Ils attirent l'attention sur le projet de résolution voté le 2 avril par le conseil exécutif de l'UNESCO à Paris, pour la première fois à l'unanimité. Ce texte, présenté conjointement par le Brésil, Cuba et par la République fédérale d'Allemagne au nom des Neuf de la Communauté européenne - tout en " prenant note des efforts déployés par le gouvernement chilien pour répondre aux préoccupations exprimées au cours des dernières années par l'opinion publique internationale sur la situation des droits de l'homme " - demande " instamment " aux autorités de Santiago " le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines de l'éducation, de la science, de la culture et de l'information ".

Les grévistes de Saint-Hippolyte ont reçu, depuis le commencement de leur action, de nombreux témoignages de solidarité. Le dernier en date est celui de M. François Mitterrand, qui s'est rendu avenue de Choisy dans l'après-midi du mardi 6 juin.

M. Mitterrand s'est ensuite rendu à l'UNESCO, où, depuis mardi matin, et jusqu'au jeudi 8 juin, une cinquantaine de Chiliens - artistes, universitaires et intellectuels pour la plupart - ont, à leur tour, commencé une grève de la faim. 
Le Monde

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