PHOTO ALBERTO VALDES Après l'échec du référendum pour une nouvelle constitution, le gouvernement de Gabriel Boric soumet à l'approbation du Congrès l'une de ses promesses emblématiques : la réforme du système de retraite, aujourd'hui entièrement privé.
DESSIN LAUZAN |
C'était l'une des promesses phares de la campagne de Gabriel Boric. La réforme du système de retraites, au coeur des revendications du soulèvement social qui a secoué le Chili en 2019 , a été présentée au Congrès et a débuté, la semaine dernière, son parcours législatif.
► À lire aussi : POURQUOI LES CHILIENS EXIGENT-ILS UNE REFONTE DE LEUR SYSTÈME DES RETRAITES?
Le Chili dispose aujourd'hui d'un système par capitalisation totalement privé, alimenté exclusivement par des apports obligatoires des salariés auprès de fonds de pension (les Administratrices de Fonds de Pension, AFP). Le gouvernement de Gabriel Boric, une coalition de gauche, propose un changement de cap.
La réforme cherche à mettre en place un système mixte, explique Claudia Sanhueza, sous-secrétaire aux Finances et l'une des architectes de la réforme : «Concernant son financement, en combinant les apports des salariés, des employeurs et de l'État. Sur le plan administratif, en créant un Investisseur de pensions public et autonome qui entrera en concurrence avec les investisseurs privés. Enfin, sur le plan contributif en associant la capitalisation individuelle et la création d'un fonds prévisionnel ».
Des retraités sous le seuil de pauvreté
En plus des cotisations salariales, à hauteur de 10,5%, le projet implique notamment une contribution des entreprises de 6 % afin d'alimenter un « Fonds intégré de retraites », public, qui permettrait de compenser «les interruptions de carrière pour maternité ou assistance à une personne en situation de handicap, les périodes de chômage t les différences d'espérance de vie entre hommes et femmes », poursuit Claudia Sanhueza.
Le projet a été présenté par Gabriel Boric lui-même lors d'une intervention sur la chaîne de télévision publique. Le président a souligné qu'avec le système actuel, « 72 % des retraites sont inférieures au salaire minimum et un retraité sur quatre touche une pension qui se situe en dessous du seuil de pauvreté. […] Avec cette réforme, on en termine avec les AFP ».
Ces dernières, au nombre de sept, ont été particulièrement critiquées au Chili. Alors qu'elles promettaient des taux de recouvrement très élevés, avec des retraites qui devaient atteindre au moins 70 % des revenus, les AFP n'en reversaient finalement qu'à peine 20 % en moyenne, portant le montant des pensions de retraite à des niveaux trop faibles.
Des retraits pendant le Covid
► À lire aussi : 3 MILLIONS DE CHILIENS RETIRENT DES FONDS DE LEURS RETRAITES
Moteurs du financement de l'internationalisation des grands groupes chiliens via le marché des capitaux depuis les années 1980, les AFP ont été accusées de ne bénéficier qu'à une élite et aux personnes ayant eu un emploi stable et un salaire élevé.
Pendant la pandémie de Covid-19, les Chiliens avaient par ailleurs pu effectuer des retraits anticipés de leur épargne retraite pour faire face aux difficultés économiques liées à la crise sanitaire et au confinement. Des retraits qui ont contribué au définancement de ces fonds de pension privés.
Si le projet garantit que l'épargne accumulée jusqu'à présent au sein des AFP restera propriété des salariés, elle serait désormais gérée soit par de nouveaux Investisseurs de Pensions Privés (IPP) soit par un Investisseur de Pensions Public Autonome (IPPA), selon le choix des salariés.
Une approbation incertaine
Tout n'est pas gagné pour la réforme portée par le gouvernement de Gabriel Boric, en perte de popularité. Elle doit encore être débattue puis approuvée par les deux chambres du Congrès chilien. Or, le gouvernement n'a de majorité dans aucune des deux.
« Le gouvernement cherche à revenir à un système par répartition avec ce système de cotisation extra de 6 % payé par l'employeur. Ce système a échoué partout dans le monde, déplore Frank Sauerbaum, député du Renouveau National (droite) et l'un des principaux pourfendeurs de la réforme. […] Par ailleurs, nous pensons que les salariés veulent continuer à être propriétaires de leur épargne retraite et c'est ce que nous allons défendre ». Il estime également que la mise en place de la part patronale «encourage l'emploi informel, déjà élevé au Chili ».
Pionnier de la retraite par capitalisation dans la région, mis en place pendant la dictature de Pinochet (1973-1980), le système chilien a déjà fait l'objet de deux tentatives de réforme pendant le second mandat de Michelle Bachelet puis sous la présidence de Sebastian Piñera, sans succès.
► À lire aussi : CHILI : PLÉBISCITE NATIONAL « NO + AFP»
« NO+AFP », « NO MÁS AFP ». ASSEZ D'AFP, « NOUS NE VOULONS PLUS D’AFP ». |
[Cliquez ici pour voir la vidéo]
SUR LE MÊME SUJET :
- NESTLÉ : OUVERTURE D'UN CENTRE DE R&D AU CHILI
- AU CHILI, LE PRÉSIDENT BORIC TENTE DE RÉGLER LE CONFLIT AVEC LE PEUPLE MAPUCHE
- FIERS DE PRODUIRE UNE PROTÉINE NUTRITIVE ET DURABLE
- AU CHILI, LE NOUVEAU PRÉSIDENT DE GAUCHE ANNONCE UN PLAN DE RELANCE POUR SOUTENIR L’ÉCONOMIE ET UN NOUVEAU PROJET DE RETRAIT DES FONDS DE PENSION