13 février, 2023

HANS MODROW, DERNIER CHEF COMMUNISTE DE RDA

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L'ANCIEN PREMIER MINISTRE DE LA RDA,
HANS MODROW, À BERLIN, LE 7 JUIN 2017.
PHOTO BRITTA PEDERSEN 

Mort à 95 ans, il est entré dans l’histoire au lendemain de la chute du mur, comme premier ministre éphémère, porteur d’espoir d’une société civile en ébullition. / Hans Modrow, le dernier dirigeant de l’ex-RDA, membre du Parti socialiste unifié (SED) qui a dirigé jusqu’au début 1990 l’Allemagne orientale, est décédé le 11 février à Berlin à l’âge de 95 ans. Son sang-froid et son esprit de responsabilité ont fait de lui l’un des personnages majeurs de la période très tendue qui a suivi la chute du mur de Berlin, début novembre 1989.

par Bruno Odent

HANS MODROW  À BONN , ALLEMAGNE,
LE 23 FÉVRIER 2019
PHOTO 
OLIVER BERG

Au sein d’une direction du parti-État dont les principales figures avaient fui, tourné casaque ou étaient largement discréditées, il est apparu comme le seul homme de confiance possible, voire la seule personnalité porteuse d’espoir aux yeux de ces millions de manifestants qui avaient pris possession de la rue depuis des mois, hurlant « Nous sommes un peuple » à l’adresse d’un pouvoir qui prétendait agir en leur nom mais ne tenait jamais compte de leurs avis, ni de l’expression de leurs besoins.

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Dans sa ville de Dresde, Modrow avait su engager un dialogue avec les militants des associations et des mouvements civils, qui se battaient pour des changements démocratiques radicaux, comme le Nouveau Forum ou Démocratie maintenant.

En décembre 1989, Hans Modrow apparaît comme le seul recours pour une nouvelle Allemagne de l’Est.

Le militant communiste qu’il fut toute sa vie avait bien repéré les terribles contradictions entre les besoins, floués, d’intervention des citoyens et ceux d’un pays qui se coupait les ailes de son développement, nourrissant une stagnation devenue irrémédiable chez lui, comme dans les autres États dits du bloc socialiste. Ce sont l’ouverture à l’égard de la société civile en ébullition et les réformes qu’il avait commencé à promouvoir à Dresde qui ont valu à Modrow d’apparaître à l’instant T, en décembre 1989, comme le seul recours jouable pour une nouvelle RDA.

Un climat de confiance avec les populations désireuses de changement avait pu d’autant mieux s’établir que, de leur côté, tous les chefs de file du mouvement citoyen réclamaient alors une transformation profonde de la RDA et surtout pas son éradication. Car tous demeuraient profondément attachés à certains des principes constitutionnels du pays, comme la lutte pour la paix, l’épanouissement de tous par l’éducation et la formation, ou encore l’égalité, en particulier des femmes grâce à l’existence d’un réseau de crèches et d’infrastructures très développées.

L’incarnation d’un formidable espoir de changement... mort-né

Hans Modrow put ainsi devenir le premier ministre d’une RDA de l’après-chute du mur, brièvement convaincue qu’elle pourrait se transformer sans jeter le socialisme avec l’eau du bain de sa révolution. Mais son surpuissant voisin, avec à sa tête le chancelier Helmut Kohl, n’entendait surtout pas laisser libre cours à une pareille transformation. Le rouleau compresseur du Deutsche Mark, devenu monnaie unique allemande, et des lois du marché concomitantes ont vite ébranlé l’édifice fragile d’une nouvelle RDA. Dans les rues le slogan « Nous sommes le peuple » est devenu « Nous sommes un peuple » et, aux élections de mars 1990, le SED/PDS, n’obtenait plus que 16 % des voix.

La droite chrétienne-démocrate triomphait (44 %) et… envoyait Lothar de Maizière au poste de premier ministre. Lequel devait se contenter d’accompagner la RDA vers la pseudo-réunification du 3 octobre 1990. En fait une annexion pure et simple de l’Est par l’Ouest ou une « Kohlonisation », comme le diront longtemps avec autant d’humour que d’amertume nombre de citoyens de l’ex-RDA.

Hans Modrow fut ainsi le dirigeant éphémère d’une transition démocratique et non violente, l’incarnation d’un formidable espoir de changement mort-né. Devenu président d’honneur de Die Linke, il n’en a pas moins gardé son quant-à-soi et sa liberté critique communiste. Ce qui lui valut des rapports parfois compliqués avec les dirigeants de son parti.