18 juillet, 2024

PRÉSIDENTIELLE AU VENEZUELA : NICOLÁS MADURO DANS LA DERNIÈRE LIGNE DROITE FACE À EDMUNDO GONZÁLEZ

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SUPPORTERS DU PRÉSIDENT NICOLÁS MADURO LORS D'UN ÉVÉNEMENT
DE CAMPAGNE CE MOIS-CI DANS LA CAPITALE, CARACAS. CRÉDIT...
PHOTO ADRIANA LOUREIRO FERNANDEZ  

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L'HUMANITÉ

Présidentielle au Venezuela : Nicolás Maduro dans la dernière ligne droite face à Edmundo González / 
À dix jours d’un scrutin à l’issue incertaine, chavisme et opposition se défient avec des programmes diamétralement différents – l’un résolument bolivarien, l’autre 100 % ultra-libéral. Le président dénonce un risque de guerre civile si la « droite fasciste » venait à l’emporter. [C
omment les médias français préparent la violence de l’extrême droite au Venezuela.

par Luis Reygada

Un pays, deux univers parallèles ? À dix jours de l’élection présidentielle, pouvoir chaviste et opposition paraissent mener campagne dans deux Venezuela que tout oppose, et dans lesquelles chacun semble certain de l’emporter. Après vingt-cinq ans d’une révolution bolivarienne qui a déjoué toutes les embûches dressées par un bloc conservateur allié à Washington, au prix d’une dérive autoritaire dénoncée notamment par l’ONU, Nicolás Maduro cherche un troisième mandat à la tête de l’État. Absolument convaincu qu’il l’emportera face à ses neuf autres adversaires. Au pouvoir depuis 2013, le candidat du Grand pôle patriotique, la coalition qui soutient l’héritier d’Hugo Chávez, est donné vainqueur par plusieurs enquêtes d’opinion dont la dernière en date (17/07, centre de mesure et d’interprétation des données statistiques) le placerait en tête des intentions de vote avec 53 % des voix.

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De son côté, l’opposition se rêve déjà trônant au Palais de Miraflores grâce à la victoire de son principal candidat, Edmundo González, le remplaçant de la porte-étendard de la droite radicale María Corina Machado [la « femme de Washington »], non autorisée à concourir au scrutin. L’équipe de campagne de cet ancien diplomate, âgé de 74 ans, peut par exemple s’appuyer sur les résultats d’une étude réalisée par l’institut de sondage Delphos et l’université catholique Andrés Bello, publiée aussi ce mercredi, qui lui prédit 59 % des voix avec 35 points d’avance sur Nicolás Maduro. À noter que seuls les sondages donnant une victoire au candidat de la Plateforme unitaire démocratique sont avancés par les principaux grands médias occidentaux (The New York Times, El País, Le Monde…), toujours prompts à déceler et dénoncer les possibles irrégularités imputables au camp chaviste, mais beaucoup moins virulents lorsque c’est la droite latino-américaine qui violente l’État de droit.


« Nous traversons une période très délicate, empreinte de sédition et dans laquelle certains secteurs (opposés au gouvernement) voudraient contester les résultats électoraux. L’utilisation de ces sondages, qui trompent les électeurs (en donnant une large avance à l’opposition), peut s’inscrire dans cette stratégie », explique Martin Pulgar. Interrogé sur la chaîne pan-latino-américaine Telesur (pro-Maduro), le politologue a aussi rappelé que la droite vénézuélienne avait souvent préféré opter pour la voie de la déstabilisation appuyée par des puissances étrangères, plutôt que celle des urnes.

Des programmes aux antipodes

Mais s’il est un sujet qui ne laisse aucune place au doute, c’est bien celui des positions idéologiques, reflétées par les programmes des deux principaux candidats. Après sept ans de descente aux enfers, initiée en 2014 avec les premières sanctions imposées par le gouvernement de Barack Obama contre un pays alors englué dans le piège du syndrome hollandais1, l’économie reste au cœur des préoccupations des Vénézuéliens. À ce sujet, Nicolás Maduro peut se prévaloir d’une sensible amélioration de la situation après être parvenu à survivre à la tentative d’asphyxie économique imposée par Washington.

Écroulement des captations de devises étrangères (de 39 milliards de dollars par an en 2014 à 750 millions en 2020), chute de plus de 80 % du PIB sur la même période, spectaculaire spirale hyper-inflationniste (avec des hausses des plusieurs milliers de pourcents), pénuries de tout type… Une situation qui a provoqué l’exode de plus de sept millions de Vénézuéliens, soit près de 25 % de la population, mais que le gouvernement a été en mesure de commencer à résorber, à partir de 2021, notamment en s’appuyant sur une relance du secteur agricole couplée à une meilleure gestion des dépenses publiques, premières bases d’une réorientation complète des structures de l’économie du pays.2

« Qui a vaincu la guerre économique et les pénuries ? », s’écriait il y a quelques jours, lors d’un meeting, le président en campagne. Son programme, le « Plan de la patrie des 7 transformations », est un guide créé avec la participation d’assemblées locales disséminées sur tout le territoire, qui reflète « une cohérence absolue avec le processus historique (bolivarien) », selon les mots de Maduro lors de sa présentation au Parlement, en janvier dernier. S’adapter pour persévérer, en somme, vers la même direction : celle visant la construction d’une « société égalitaire et juste qui garantit la protection sociale du peuple » à travers sept grands axes de travail permettant au final, la création d’un « nouvel État populaire et révolutionnaire ».

Risque de guerre civile ?

Face à lui, les choses sont beaucoup moins claires. « Des sources de son équipe indiquent que le programme d’Edmundo González Urrutia est encore en cours d’élaboration », rapportait ce mercredi l’édition latino-américaine d’El País. Pourtant, la candidate qu’il a remplacée et qui mène, depuis plusieurs mois, campagne à ses côtés à travers tout le pays, María Corina Machado, disposait bel et bien d’un programme : « Venezuela, terre de grâce » (en anglais dans le texte).

Sorte de pamphlet ultra-libéral, le document envisage privatisations tous azimuts (secteur pétrolier, éducation, sécurité sociale, système des retraites, services publics…) et attaques sur les droits des travailleurs, entre autres. Mais González préfère centrer l’attention sur l’espoir suscité par sa possible victoire auprès d’une partie de la population, et sur la promesse d’une transition ordonnée et calme, « sans aucun désir de vengeance ». De son côté, Maduro tente de convaincre que son triomphe le 28 juillet serait le seul capable de garantir la stabilité du pays, au point de recourir à des formules qui pourraient le desservir sur la scène internationale. « Si vous ne voulez pas que le Venezuela sombre dans un bain de sang, dans une guerre civile fratricide, provoquée par les fascistes, (alors nous devons garantir) le plus grand succès de l’histoire électorale de notre peuple », a-t-il martelé à ses sympathisants, mercredi.

« Nous sommes une force et un pouvoir populaire présent dans chaque rue et chaque communauté, mais nous sommes aussi un pouvoir militaire et policier, et l’union civico-militaire ne laissera pas cette patrie nous être enlevée », a-t-il prévenu lors d’un meeting à Barquisimeto (État de Lara). Des harangues qui ont très rapidement été interprétées comme des menaces de représailles s’il venait à perdre l’élection. Pas de quoi ramener la sérénité dans un pays habitué aux scrutins marqués par les tensions.

  1. Le syndrome hollandais, aussi connu sous le nom de « malédiction des ressources », désigne l’ensemble des retombées négatives liées à la dépendance à une rente extractiviste sur une économie – au premier lieu desquelles la désindustrialisation – surtout lorsqu’une seule matière première est localement exploitée en très grandes quantités. ↩︎
  2. Lire l’entretien de José Felix Rivas Alvarado, vice-président sectoriel pour les affaires économiques et ministre de l’industrie et de la production nationale du Venezuela, publié sur le site www.les2rives.info/ (17/07/2024). À noter que l’opposition vénézuélienne (et la plupart des grands médias occidentaux) rejette la responsabilité de la crise économique qu’a traversée le pays uniquement sur le modèle économique et social mis en place par le Chavisme, passant presque sous silence l’impact des sanctions américaines. En janvier dernier, un rapport du Centre de recherche du Congrès des États-Unis reconnaissait la part de responsabilité de ce pays dans cette terrible crise (lire l’Humanité du 26 janvier 2024). 

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