22 juin, 2020

DISPARITION. ZEEV STERNHELL, L’HISTORIEN ANTIFASCISTE

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ZEEV STERNHELL EN 2015, À JÉRUSALEM.
PHOTO THOMAS COEX. AFP
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L'HUMANITÉ


Infatigable militant pacifiste, cette figure de la gauche israélienne a consacré une grande partie de sa vie à comprendre les fondements de l’idéologie fasciste dans l’Europe du XIXème siècle.
PHOTO THOMAS COEX / AFP
Figure emblématique de la gauche israélienne et historien mondialement reconnu, Zeev Sternhell est mort dimanche à l’âge de 85 ans. Né en 1935 à Przemysl, en Pologne, son père décède après son retour des combats lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne. Sa mère et sa sœur seront ensuite assassinées par les nazis. Son salut viendra de son oncle et sa tante, qui organiseront son évasion du ghetto en le faisant passer pour un Polonais catholique. Arrivé en Israël en 1951, il entame alors un cursus d’histoire générale et de sciences politiques à l’université hébraïque de Jérusalem et consacrera ses travaux à analyser les raisons de la naissance et de la montée du fascisme.

COUVERTURE DE «NI DROITE NI GAUCHE.
L'IDÉOLOGIE FASCISTE EN FRANCE » 
Pour beaucoup d’historiens, la France de la fin du XIXème siècle a été préservée de l’idéologie fasciste grâce à sa culture républicaine, rationaliste et universaliste ; héritage du siècle des Lumières. Le régime de Vichy, incarné par le maréchal Pétain, n’aurait été selon eux que l’ultime sursaut d’une droite légitimiste. Les travaux de Zeev Sternhell vont remettre en cause cette pensée, suscitant ainsi un vif débat chez les historiens. Dans son essai Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France, paru en 1983, il développe la thèse que le fascisme aurait trouvé ses racines dans la France de la fin du XIXème siècle. C’est lui qui va révéler l’existence d’une droite révolutionnaire, antidémocratique et antihumaniste. Un contre-courant total de l’idéologie des Lumières. Il développe l’idée selon laquelle l’idéologie fasciste serait notamment née au sein du cercle de Proudhon, par la rencontre du philosophe et sociologue Georges Sorel, théoricien du syndicalisme révolutionnaire, avec les membres d’Action française, des royalistes d’extrême droite.

Zeev Sternhell était également l’un des membres fondateurs de Shalom Akhshav (littéralement « la paix maintenant »). Créé en 1978, il s’agit du premier mouvement israélien qui défend la paix israélo-palestinienne et la doctrine « Deux peuples, deux États ». Tout en se revendiquant sioniste, l’historien milite activement pour la reconnaissance de l’État palestinien et la réconciliation d’Israël avec ses autres voisins arabes. Il apportera de nombreuses contributions aux pages « Opinions » du quotidien Haaretz, considéré par ses pairs comme «  le flambeau de la gauche israélienne ». Dans ses nombreuses tribunes, il prend ouvertement position contre l’extrême droite israélienne et contre l’annexion des territoires Palestiniens. Il défend l’idée que seul le compromis diplomatique permettra la paix entre l’État Hébreux et les Palestiniens.

Dans les années 1990, Zeev Sternhell s’attaque au mouvement ouvrier sioniste. Il publie, les Mythes fondateurs d’Israël : nationalisme, socialisme et création de l’État juif, en référence à l’ouvrage de Roger Garaudy (les Mythes fondateurs de la politique israélienne) et dans lequel il soutient l’idée que les dirigeants de ce mouvement sont plus guidés par l’idéologie nationaliste que socialiste. « J’ai toujours entendu et lu sur le socialisme israélien, mais quand j’ai immigré en Israël en 1951, je ne l’ai pas vraiment trouvé au-delà des confins du kibboutz. Le mouvement travailliste n’avait aucune perspective de changer l’ordre social. L’objectif national a été atteint pleinement et de manière impressionnante, alors que, dans le domaine social, des objectifs de grande ampleur n’ont pas é té fixés et, par conséquent, ils n’ont pas été atteints. »
Sylvestre Rome
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