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Au Pérou, l’ancien président Alberto Fujimori, condamné pour crimes contre l’humanité, a été libéré/ La Cour constitutionnelle avait ordonné mardi la libération immédiate de l’ancien chef d’Etat controversé, rétablissant une grâce accordée en 2017 et qui avait été révoquée deux ans plus tard par la Cour suprême.
L’ANCIEN PRÉSIDENT PÉRUVIEN ALBERTO FUJIMORI, ASSIS ENTRE SES ENFANTS,
APRÈS SA SORTIE DE PRISON, DANS LA BANLIEUE DE LIMA, LE 6 DÉCEMBRE 2023.
PHOTO RENATO PAJUELO / AFP
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L’ancien président péruvien Alberto Fujimori (1990-2000) a été libéré mercredi 6 décembre de prison, où il purgeait depuis 2009 une peine de vingt-cinq ans pour crimes contre l’humanité. Sa libération avait été décidée la veille par la Cour constitutionnelle.
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M. Fujimori a quitté en fin d’après-midi la prison de Barbadillo, à l’est de Lima, à bord d’une camionnette qui a fendu lentement la foule de ses soutiens venus l’accueillir, selon des journalistes de l’Agence France-Presse.
Sa fille Keiko, trois fois candidate malheureuse au second tour de la présidentielle, et son fils Kenji, homme d’affaires, qui avaient maintes fois réclamé la libération de leur père, se trouvaient à ses côtés. « La santé de mon père est fragile. Le plus important est de s’occuper de lui et qu’il récupère petit à petit. Nous savons que la meilleure thérapie est l’amour de sa famille », a déclaré à la presse Keiko devant son domicile.
M. Fujimori, 85 ans, souffre de manière récurrente de problèmes respiratoires et neurologiques, dont des paralysies faciales.
Mardi, la Cour constitutionnelle avait ordonné la libération immédiate de l’ancien président controversé, rétablissant une grâce accordée en 2017 et qui avait été révoquée deux ans plus tard par la Cour suprême.
Jugé coupable de deux massacres
Mais pour le cardinal Pedro Barreto, la grâce accordée à M. Fujimori est une « gifle ». « Dans ce pays, quand il y a une sentence judiciaire, elle est exécutée jusqu’au dernier jour, il n’y a de privilège pour personne », a-t-il fustigé.
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La Matinale du Monde / L’ancien homme fort du Pérou avait été jugé coupable de la mort de 25 personnes dans deux massacres perpétrés par un commando de l’armée dans le cadre de ce qui avait été appelé la guerre contre le terrorisme (1980-2000) des guérillas d’extrême gauche.
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a réclamé mercredi en vain au Pérou de « s’abstenir d’exécuter » la décision de la Cour constitutionnelle « jusqu’à ce que la Cour interaméricaine des droits de l’homme dispose de tous les éléments nécessaires pour analyser si cette décision respecte les conditions » de ses précédents arrêts. Mais le gouvernement de la présidente, Dina Boluarte, a autorisé sa libération.
M. Fujimori « a effectué approximativement les deux tiers de sa peine », s’est justifiée la Cour constitutionnelle, en plus d’avancer des arguments humanitaires.
L’Association péruvienne pour les droits humains a condamné cette décision, estimant qu’il s’agit d’un pied de nez à la Cour interaméricaine.
Le ministre des affaires étrangères péruvien a, lui, assuré que Lima réaffirmait « son engagement envers le système de promotion et de protection des droits humains, aux niveaux régional et universel ».
La Cour constitutionnelle avait déjà ordonné, en mars 2022, la libération de M. Fujimori, mais la Cour interaméricaine des droits de l’homme avait demandé à l’Etat de « s’abstenir d’exécuter » la décision. Le pays, alors dirigé par le président de gauche Pedro Castillo, avait obtempéré.
Corruption et méthodes autoritaires
Alberto Fujimori a gouverné le Pérou d’une main de fer mais, face à une opposition croissante, il s’était enfui en novembre 2000 au Japon, d’où sa famille est originaire. C’est par fax qu’il avait alors annoncé renoncer à son mandat. Extradé ensuite du Chili, en 2007, il avait été condamné et emprisonné deux ans plus tard. En 2017, il avait formulé une demande de « pardon » pour les actes commis par son gouvernement.
Alberto Fujimori a divisé les Péruviens comme peu d’hommes politiques l’ont fait dans l’histoire du pays andin de 32 millions d’habitants. Pour certains, celui que l’on surnomme « El Chino » (le Chinois) est l’homme qui a dopé l’essor économique du pays par ses politiques ultralibérales, et combattu avec succès les guérillas du Sentier lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste).
D’autres se souviennent surtout des scandales de corruption et de ses méthodes autoritaires, qui l’ont conduit derrière les barreaux pour avoir commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort en 1991-1992, dans le cadre de la lutte contre le Sentier lumineux.
On « se moque des familles et des victimes », a déploré auprès de l’AFP Gladys Rubina, sœur de l’une des victimes des massacres pour lesquels M. Fujimori a été condamné. « L’homme ne nous a jamais demandé pardon, et là il sort, comme si de rien n’était. (…) Je n’ai confiance qu’en la justice de la Cour» interaméricaine, a-t-elle lancé.
Le Monde avec AFP