21 décembre, 2023

AU PROCÈS DE L’ASSASSINAT DE NARUMI KUROSAKI, NICOLAS ZEPEDA ET TANT DE DÉGÂTS

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LA MÈRE, TAEKO KUROSAKI (AU CENTRE), ARRIVE AU PALAIS DE
JUSTICE DE VESOUL POUR ENTENDRE LE VERDICT DU PROCÈS
EN APPEL DE NICOLAS ZEPEDA, LE 21 DÉCEMBRE 2023.
PHOTO SEBASTIEN BOZON/AFP

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LE MONDE

Au procès de l’assassinat de Narumi Kurosaki, Nicolas Zepeda et tant de dégâts/ La cour d’assises d’appel de la Haute-Saône a condamné à son tour, jeudi 21 décembre, le Chilien de 33 ans à vingt-huit ans de réclusion de criminelle pour l’assassinat de son ex-petite amie japonaise. Jusqu’au bout, il a nié l’avoir tuée

Par Pascale Robert-Diard (Vesoul, envoyée spéciale)

Temps de Lecture 3 min.

NICOLAS ZEPEDA, À BESANÇON,
LE 29 MARS 2022.
PHOTO PATRICK HERTZOG / AFP

mMême dossier accablant, même déni absolu de l’accusé, même peine. La cour et les jurés de Vesoul ont confirmé, jeudi 21 décembre, le verdict rendu par une première cour d’assises, en avril 2022, en déclarant Nicolas Zepeda coupable du meurtre avec préméditation de son ex-petite amie japonaise, Narumi Kurosaki, en 2016, et en le condamnant à vingt-huit ans de réclusion criminelle.

Nicolas Zepeda connaissait le risque. Il l’a pris en toute conscience, c’est sa dernière liberté. Car avouer, ce n’est pas seulement répondre oui à la question de sa culpabilité, c’est devoir expliquer son crime, le raconter dans ses moindres détails, le revivre et l’affronter publiquement. Ce risque-là, Nicolas Zepeda ne veut pas ou ne peut pas le prendre.

Tout au long de son procès, il a répété deux phrases qui créent entre lui et les autres une distance infranchissable. « Je suis un cérébral » et « Je n’ai plus peur ». Pour survivre, le « cérébral » a verrouillé l’accès à la scène du crime et à son cortège d’images. Aussi longtemps que cette porte restera fermée, Nicolas Zepeda ne craint rien. A ces images, il a substitué un conte, une fantaisie amoureuse, qu’il a racontée devant la cour et les jurés. Qu’on ne la croie pas n’avait aucune d’importance, Nicolas Zepeda ne cherchait plus à convaincre. Il a choisi son récit. Aux autres de se débrouiller avec les dégâts.

Une jeune femme de 21 ans est donc morte assassinée. Narumi Kurosaki était libre, Nicolas Zepeda est maladivement possessif. Elle avait été élevée avec ses deux sœurs par une mère divorcée et désargentée. Le Chilien, lui, est le seul mâle de sa fratrie, vénéré par sa mère, écrasé par la réussite de son père. Elle était studieuse, douée, méritante, volontaire, et boursière. Il a connu l’école Montessori et l’aisance d’enfant gâté, mais cherchait sans brio sa voie à l’université. Elle était gourmande, curieuse, irradiante, il avait essayé de comprendre ce qui n’allait pas chez lui, en prenant à l’université des « cours d’empathie ».

Prison de chagrin

Une mère et deux sœurs sont plongées depuis sept ans dans une détresse abyssale. Faute de savoir où est le corps de sa fille, Taeko Kurosaki a cousu dans de vieux vêtements un baudrier dans lequel elle a glissé la photo souriante de sa fille. À la cour et aux jurés, cette mère détruite, qui vit recluse et a tenté à plusieurs reprises de se suicider, a raconté qu’elle garde cette photo contre son sein « trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq, vingt-quatre heures sur vingt-quatre ». Dans sa prison de chagrin, elle a enfermé ses deux filles cadettes, à l’aube de leur vie d’adulte.

Sur l’autre rive, un père et une mère sont figés dans la volonté d’affirmer, envers et contre tout, l’innocence de leur fils. Pendant les trois semaines de procès, Humberto Zepeda ne se séparait jamais d’un dossier épais, le mémoire qu’il a rédigé en défense, accumulation de détails insignifiants et de témoignages fantaisistes dans lesquels il feint de voir des preuves de l’acharnement de la justice française contre son héritier.

À l’audience, il continuait de prendre frénétiquement des notes et de harceler de textos les deux avocats de son fils, Mes Sylvain Cormier et Renaud Portejoie. Jour après jour, le carnet que son épouse au regard vide tenait sur ses genoux se couvrait de barbouillages au stylo noir. Emprisonnés, eux aussi.

Une autre phrase est tragiquement éclairante sur la vérité de Nicolas Zepeda. En décembre 2016, de retour de Besançon, il avait séjourné quelques jours chez un de ses cousins, médecin à Barcelone, et avait fêté avec lui son 26e anniversaire. Il lui avait dit être venu en Europe pour participer à un colloque à Genève et ne pas avoir revu Narumi Kurosaki.

Il s’était, en revanche, enquis auprès de lui de la façon dont on pouvait mourir par asphyxie. Le cousin n’avait pas prêté attention. Mais quelques semaines plus tard, il avait été entendu par la police alors que Nicolas Zepeda faisait déjà figure de principal suspect. L’enquête avait établi que, depuis la box Internet de son cousin, il s’était connecté aux comptes numériques de la jeune femme et avait usurpé son identité pour envoyer des messages rassurants à la famille Kurosaki.

De retour de sa convocation au commissariat, le cousin lui avait écrit un message affolé : « Mais enfin, as-tu vu Narumi lors de ton séjour ? » « Est-ce que tu veux rester tranquille ? Ou veux-tu avoir plus de détails ? Parfois, disposer de beaucoup d’informations comporte beaucoup de responsabilités », lui avait répondu Nicolas Zepeda.

Par Pascale Robert-Diard (Vesoul, envoyée spéciale)

Pascale Robert-Diard (Vesoul, envoyée spéciale)


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