20 mai, 2022

CHILI: UNE PÉNURIE D'EAU DE PLUS EN PLUS CRITIQUE DANS LES ZONES RURALES

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Des poissons morts sur la rive du lac Peñuelas, un réservoir de la région de Valparaíso, le 18 mars 2022. Une sécheresse record touche le Chili depuis maintenant plusieurs années. © AFP / MARTIN BERNETTI

Confrontés à une baisse des précipitations depuis plus de dix ans, plusieurs communes en zones rurales font face à d’importantes pénuries d’eau avec des rationnements. Ce scénario pourrait bientôt toucher la capitale Santiago et ses 8 millions d’habitants. Le réchauffement climatique est pointé du doigt, mais pas seulement. 
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RFI - RADIO FRANCE INTERNATIONALE,  
 «CHILI: UNE PÉNURIE D'EAU DE PLUS EN PLUS CRITIQUE DANS LES ZONES RURALES» NAÏLA DERROISNÉ,
DIFFUSION VENDREDI 20 MAI 2022

De notre correspondante à Santiago

PHOTO MARTIN BERNETTI

À Petorca, une commune dans le centre du Chili, la rivière qui traverse la vallée est complètement sèche. Margarita Guerrero et sa famille vivent tout près du village et ils n’ont plus d’eau courante depuis plus de huit ans. « Ici il n’y a pas de puits, il n’y a rien. Avant, il y avait de l’eau qui coulait tout près, mais à cause de la sécheresse et de la mine qui est à côté, tout est sec maintenant, se désole-t-elle. Alors les autorités nous envoient des camions-citernes. Nous avons à peu près 100 litres d’eau par jour par personne, mais ce n'est vraiment pas beaucoup. »

Pour ne pas perdre une goutte, Margarita réutilise toutes les eaux usées de la maison. « Quand je fais la vaisselle, j’ai un tuyau d’arrosage qui va jusqu’aux plantes. Je fais la même chose pour l’eau de la machine à laver et pour le lavabo de la salle de bain. Rien ne doit se perdre ! »

Une privatisation de l'eau par la Constitution chilienne

Depuis plus de 10 ans, le Chili est frappé par une forte sécheresse qui ne permet pas aux nappes phréatiques de se régénérer. Mais pour Nicolas Quiroz, membre du mouvement pour la récupération de l’Eau et des Territoires, les problèmes d’accès et de distribution de l’eau au Chili sont principalement dus au système néolibéral garanti par l’actuelle Constitution, écrite sous la dictature : « La Constitution de 1980 privatise l’eau et la convertit en une marchandise qui peut s’accaparer, s’acheter, se louer, se vendre. Il y a donc un marché de l’eau. »

Et selon lui, ce système de privatisation de l’eau crée de profondes inégalités. « Les grands gagnants sont ceux qui possèdent le pouvoir économique et peuvent acheter des droits sur l’eau et creuser des puits, poursuit Nicolas Quiroz. C'est donc l'agro-industrie, le secteur minier, les grands projets de barrage… Ce sont eux qui se sont accaparés l’eau de Petorca car ils sont propriétaires de la majorité des droits sur l’eau en surface et sous terre ».

Un manque de responsabilité politique

Maria Fragkou, directrice du département de géographie de l’université du Chili, est quant à elle très critique vis-à-vis du discours qui fait de la sécheresse un phénomène presque normal dans le pays. « La vision qui domine est de dire que la sécheresse est responsable de la pénurie d’eau. On ne se demande pas pourquoi il n’y a plus d’eau, ou qui en consomme le plus. De cette façon, on masque la responsabilité des personnes, des institutions, des lois, des cadres législatifs en ce qui concerne l’épuisement de l’eau. Donc il n'y a pas de responsabilité politique. »

Dans la capitale, s’il ne pleut pas suffisamment dans les mois qui viennent, ce sont des milliers de personnes qui pourraient alors être affectées par des coupures et des rationnements d’eau.

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PHOTO JOE FOX 
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