26 avril, 2021

LES CHILIENS CONTRAINTS DE PUISER DANS LEUR ÉPARGNE RETRAITE

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PHOTO PRESIDENCIA CL

La mesure controversée permet aux ménages frappés par la crise de consommer. Quitte à vider leur pension.

Par Alan Loquet

Le Congrès, à Santiago, a adopté, vendredi, une réforme autorisant les Chiliens à puiser jusqu’à 10 % de leur épargne retraite. Cette mesure est censée permettre aux habitants d’affronter la crise provoquée par la pandémie, alors que plus de 80 % du pays subit depuis un mois un confinement strict pour contenir la hausse des cas de Covid-19.

Si la loi est promulguée, il s’agira de la troisième initiative de ce type en neuf mois. La semaine dernière, le gouvernement du président Sebastian Pinera - droite libérale - avait annoncé son intention de bloquer le texte en déposant un recours devant le Tribunal constitutionnel, qui rendra sa décision dans les jours à venir.

La prise de position du chef de l’État a provoqué de nombreuses manifestations, parfois ponctuées de heurts avec les forces de l’ordre. Selon un récent sondage, 80 % de la population serait en faveur de cette mesure autorisant un retrait d’un minimum de 1 million de pesos (1160 euros), plafonné à 4,3 millions de pesos (5000 euros). Face à la pression de la rue et abandonné par une large partie de sa coalition, le gouvernement a reculé, samedi, indiquant travailler à un nouveau projet de loi similaire à celui adopté par le Congrès.

«Donner la possibilité de puiser dans son épargne retraite privée est une très mauvaise politique publique, estime Andrea Repetto, chercheuse en économie à l’université Adolfo-Ibañez, à Santiago, et membre du centre d’études indépendant Espacio Publico. Mais les aides mises en place par le président Pinera depuis le début de la pandémie sont non seulement insuffisantes, mais elles interviennent aussi trop tard.»

Un système hérité de Pinochet

Selon les projections officielles, un troisième retrait anticipé laisserait jusqu’à 5 millions de Chiliens - sur 11 millions d’affiliés - sans un seul peso dans leur caisse de retraite. Pilier de l’économie nationale, le système de capitalisation privée oblige les travailleurs à verser 10 % de leur salaire sur un compte géré par les AFP, des organismes privés très lucratifs chargés de les valoriser sur les marchés financiers. Le modèle actuel a été élaboré en pleine dictature de Pinochet (1973-1990), par José Piñera, le frère de l’actuel locataire du palais de La Moneda.

«Le système de retraite a échoué, tranche Marco Kremerman, économiste au think-tank Fundacion Sol. Si l’on regarde les actifs sur le point de partir à la retraite et ayant cotisé toute leur vie avec le système actuel, 77 % des hommes et 91 % des femmes auront des pensions inférieures à 200.000 pesos (232 euros) et la moitié d’entre elles se situeront sous le seuil de pauvreté (180 euros)», très loin du salaire minimum (375 euros). Selon le chercheur, les liquidités des deux premiers retraits ont toutefois stimulé la consommation et permis de limiter la contraction du PIB à 5,8 %, contre 7,6 % prévus. «Les 35 milliards de dollars retirés ont réduit le nombre de personnes vivant à crédit, dans un pays où 80 % des ménages sont endettés», ajoute-t-il.

À l’approche de plusieurs élections clés, dont la présidentielle de novembre, difficile d’imaginer une réforme structurelle du système de retraite. «Le statu quo ne répond pas au mal-être de la population et la surenchère populiste non plus», souligne Ricardo Ffrench-Davis, économiste à l’université du Chili. Un projet de loi est en discussion depuis plus d’un an au Sénat, qui prévoit des hausses de cotisation jusqu’à 16 % avec une participation de l’employeur, détaille l’universitaire, qui estime que «ce ne sera pas suffisant pour donner des pensions dignes à la majorité des Chiliens».

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