30 avril, 2021

LES CHILIENS PUISENT DANS LEURS RETRAITES POUR AFFRONTER LA CRISE

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PHOTO MARTIN BERNETTI / AFP

C'est poussé dans ses retranchements que l'exécutif chilien a publié au Journal Officiel, le 28 avril, la loi autorisant les salariés à effectuer un troisième retrait de 10 % de leur épargne placée dans les fonds de pension. 

Anaïs Dubois (À Buenos Aires)

Un dur revers pour le président, qui a divisé jusque dans son propre camp et n'est plus crédité que d'un petit 9 % d'approbation alors que le pays va vivre des échéances électorales historiques tout au long de l'année.

Priorité au contrôle du déficit public

Submergé par la crise sanitaire en dépit d'une campagne de vaccination qui figure parmi les plus avancées au monde , le Chili a dû, fin mars, mettre en place un nouveau confinement qui a asphyxié la population. Les aides publiques, jugées trop tardives et insuffisantes, n'atteignent que les plus précaires. Selon un sondage, la moitié des personnes interrogées étaient prêtes à ponctionner de nouveau leurs fonds de retraites, alors même que 30 % des cotisants risquent de vider entièrement leurs comptes.

« Le gouvernement refuse de privilégier le soulagement de la population et des PME pour donner la priorité au contrôle du déficit budgétaire et de la dette publique. Il préfère apparaître comme un gouvernement fiscalement responsable. C'est d'une certaine façon incompréhensible si on considère que l'endettement du pays est parmi les cinq plus faibles au monde », s'étonne Eugenio Rivera, directeur des études économiques de la fondation Chile 21.

Mécontentement social

Les fonds de pension (AFP), qui jouent un rôle central dans la structure capitalistique du Chili, cristallisent une bonne partie du mécontentement social en raison de la faiblesse du montant des retraites versées. Promettant à l'origine un taux de remplacement allant jusqu'à 70 % des revenus, le système a fait déchanter car « le taux de remplacement moyen est de 20 % », explique Claudia Sanhueza, chercheuse au Centre d'étude du conflit et de la cohésion sociale (Coes).

Les montants sont faibles parce que les cotisations sont insuffisantes et que le système d'épargne individuelle des retraites ne permet pas de corriger les inégalités du marché du travail ou les ruptures de carrière. « Toutes les inégalités se reportent vers la vieillesse », observe la chercheuse. Selon elle, il faudrait augmenter le niveau de prélèvement obligatoire pour financer un nouveau système mixte public-privé . « Il y a quelques années, une enquête a révélé que 69 % des personnes sondées auraient basculé vers une AFP d'Etat si elle existait », souligne-t-elle.

Un sujet qui polarise

Ce troisième retrait pourrait sonner le glas d'un système par capitalisation mis en place pendant la dictature (1973-1990) et longtemps érigé en exemple dans une région qui le délaisse peu à peu. La discussion est polarisée. « L'exemplarité du bon élève chilien est un discours qui ne passe plus auprès de l'opinion publique », assure Antoine Maillet, enseignant-chercheur à l'Institut des affaires publiques de l'université du Chili. « Le gouvernement et une partie de la droite ne veulent pas toucher à ce système, mais la population ne veut pas qu'un peso de plus soit dirigé vers les fonds de pension », affirme Claudia Sanhueza. Anaïs Dubois (À Buenos Aires)

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