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LE PRÉSIDENT BRÉSILIEN LUIZ INACIO LULA DA SILVA S’EXPRIME LORS D’UNE RÉUNION MINISTÉRIELLE AU PALAIS DU PLANALTO, À BRASILIA, LE 18 MARS 2024. PHOTO EVARISTO SA / AFP |
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INTERNATIONAL / BRÉSIL / Au Brésil, Lula interdit toute commémoration officielle du 60ᵉ anniversaire du coup d’État militaire / Les organisations, qui travaillent sur la mémoire des crimes commis par la dictature entre 1964 et 1985, s’indignent de la décision de l’ancien opposant, qui provoque aussi des remous au Parti des travailleurs.
Par Bruno Meyerfeld (Sao Paulo, correspondant)
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«PAI, AFASTA DE MIM ESSE CALE-SE » (PÈRE, ÉLOIGNE DE MOI CE CALICE !). |
«Lamentable et dangereuse ! » Dépitée, Joana D’Arc Fernandes Ferraz ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de qualifier l’attitude de Luiz Inacio Lula da Silva. Cette sociologue est pourtant une militante de gauche, membre de l’organisation Tortura nunca mais (« la torture, plus jamais ») qui lutte pour entretenir la mémoire des crimes commis par la dictature militaire brésilienne (1964-1985). Mais les déclarations récentes du président à ce sujet l’ont révulsé. « Comment peut-il tenir un tel discours alors que le Brésil traverse une période si critique ? », s’interroge-t-elle.
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Sa colère trouve son origine dans la décision de Lula d’interdire toute commémoration officielle du coup d’État survenu il y a soixante ans, les 31 mars et 1er avril 1964 qui conduisit l’armée à renverser le président de gauche Joao Goulart, ouvrant la voie à une dictature de plus de vingt ans. Le chef de l’État a défendu aux membres de son gouvernement de s’exprimer publiquement sur le sujet, même s’agissant des victimes de la dictature. Le ministre des droits de l’homme, Silvio Almeida, avait pourtant prévu une campagne de sensibilisation sur ce thème, baptisée « Sans mémoire, il n’y a pas d’avenir ». Elle a été remisée au placard.
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« Je ne vais pas continuellement ressasser [le passé] », a tranché Lula le 27 février dans une interview à la chaîne RedeTV !, se disant « davantage préoccupé par le putsch de janvier 2023 », qui a vu des milliers de militants d’extrême droite saccager les institutions de Brasilia, « que par celui de 1964 ». Ce dernier « fait partie de l’histoire, il a déjà causé les souffrances qu’il a causées. Le peuple a déjà conquis le droit de démocratiser ce pays », a-t-il conclu.
Lula ne s’est pas contenté d’interdire les cérémonies officielles. Il a également renoncé à l’idée d’un musée de la mémoire et des droits de l’homme, centré sur la dictature. Il n’a pas non plus rétabli la Commission spéciale pour les morts et disparus politiques, supprimée par son prédécesseur Jair Bolsonaro, ancien capitaine nostalgique de la dictature, qui n’hésitait pas à célébrer le putsch de 1964. Cette mesure faisait pourtant partie des promesses de campagne du président de gauche.
« Eviter les frictions avec l’armée »
L’HISTORIENNE HELOISA STARLING |
L’attitude du président de gauche vis-à-vis d’un régime qui assassina au moins 434 personnes et en tortura 20 000 autres, choque d’autant plus que Lula fut lui-même un opposant à la dictature en tant que dirigeant syndical. Les atteintes à la démocratie commises sous le mandat de Jair Bolsonaro (2019-2023) et les révélations récentes de la justice, dévoilant l’appui supposé de hauts gradés dans l’élaboration d’un coup d’Etat, fin 2022, rendraient d’autant plus important un rappel des crimes commis par la junte.
LE COLONEL DE RÉSERVE MARCELO PIMENTEL |
Pour Marcelo Pimentel, colonel de réserve et opposant à Bolsonaro, « il aurait été justement très important que le président de la République réaffirme les principes démocratiques en ces temps troublés ». Selon lui, « la vision qui prédomine dans l’armée est malheureusement celle d’un coup d’État qui aurait sauvé le Brésil du péril communiste. Les généraux actuellement aux responsabilités ont été formés à l’Académie militaire à la fin de la dictature. Ils portent sur celle-ci un regard encore positif ».
« Le comportement de Lula n’est guère surprenant », analyse pour sa part Fabio Victor, journaliste et auteur du livre Poder camuflado (Companhia das Letras, 2022, non traduit) qui traite des relations entre militaires et politiques au Brésil depuis le retour de la démocratie. Selon lui, « Lula est un pragmatique. Il veut éviter les frictions avec l’armée, en particulier dans une période où ces derniers sont dos au mur. Il a toujours défendu la loi d’amnistie de 1978 [qui garantit l’absence de poursuites contre la junte] ». Prohiber toute cérémonie officielle n’en est pas moins « incompréhensible », estime le journaliste : « Les militaires sont déjà acculés en justice et il est très improbable qu’une commémoration de 1964 aurait entraîné un mouvement de révolte dans les casernes. Ici, Lula a fait preuve d’un excès de prudence. »
Par Bruno Meyerfeld (Sao Paulo, correspondant)
Bruno Meyerfeld (Sao Paulo, correspondant)
Julio Monteiro, militant pro-Bolsonaro, en 2021. Un Brésilien s’inspirant du «QAnon Shaman» du Capitole des États-Unis PHOTO GUILHERME GANDOLFI |
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