Daniel Ortega, le leader de la révolution sandiniste des années 1980, pourrait s'emparer dimanche de la présidence
S'il est élu chef de l'Etat du Nicaragua, le 5 novembre, Daniel Ortega pourra se targuer d'avoir signé l'un des plus extraordinaires come-back de l'histoire latino-américaine.
En 1979, alors que l'Amérique centrale était l'un des théâtres de la guerre froide, le chef du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) avait renversé la dictature d'Anastasio Somoza et engagé une révolution « à la cubaine », qui avait ensuite dégénéré en guerre civile. C'était l'époque où Washington appuyait les contre-révolutionnaires de la « contra » et où Ortega surnommait « John Wayne » l'hôte de la Maison-Blanche, Ronald Reagan... En 1990, à la tête d'un pays exsangue, «El Commandante Daniel» consentit à organiser des élections libres, grâce à la médiation du président du Costa Rica, Oscar Arias.
Indéboulonnable leader du FSLN depuis lors, Ortega, désormais âgé de 60 ans, s'est rapproché du président vénézuélien, Hugo Chavez. Stratégie payante. Caracas fournit du pétrole à prix réduit aux municipalités sandinistes, dans l'espoir à peine dissimulé d'influencer le scrutin. « Daniel, je ne vais pas dire que je souhaite que tu l'emportes, car ils vont encore me dire que je mets mon nez dans les affaires intérieures du Nicaragua, a déclaré Chavez, le mois dernier, lors de son programme télévisé dominical, en présence de l'intéressé. Mais, en fait, je veux que tu gagnes! »
La quatrième tentative électorale de Daniel Ortega depuis 1990 pourrait donc être la bonne. Grâce à un accord bricolé avec l'ancien président Arnoldo Aleman - aujourd'hui en prison pour détournement de fonds - il suffit de recueillir 35% des suffrages, avec 5 points d'avance sur le candidat arrivé en deuxième position, pour être élu dès le premier tour. En tête des sondages, Ortega mise tout sur cette échéance. Au second tour, en effet, il ne peut espérer dépasser son «plafond électoral» de 40%. Abus de biens immobiliers, accusation de viol émanant de sa belle-fille dans les années 1990, accord électoral contre nature - son candidat à la vice-présidence est un ancien contra!... Aux yeux d'une majorité d'électeurs, les raisons de douter de la crédibilité de «Daniel» ne manquent pas.
Un ambassadeur très peu diplomate
La perspective d'une victoire de l'ex-rebelle dès le 5 novembre provoque des sueurs froides du côté de Washington, où l'on ne goûte guère le style Ortega et ses déclarations tonitruantes sur la «légitimité de la lutte armée de la guérilla colombienne», pour citer un exemple parmi tant d'autres. Surtout, les Etats-Unis s'inquiètent du renforcement de l'axe Caracas-La Havane-La Paz, qui pourrait passer, s'il l'emportait, par Managua (capitale du Nicaragua) mais également par Quito, si le candidat pro-Chavez était élu en Equateur, le 26 novembre. En outre, le retour d'Ortega présenterait l'inconvénient de réveiller les ardeurs de la gauche dans les pays voisins - Costa Rica, Salvador, Guatemela - gouvernés actuellement par des libéraux.
Manifestement inquiet, l'ambassadeur des Etats-Unis à Managua, Paul Trivelli, a conseillé aux électeurs de ne pas mettre en péril les « excellentes » relations américano-nicaraguayennes en votant pour un candidat «non démocratique». Mais son insistance peu diplomatique pourrait se révéler contre-productive. Les Etats-Unis, mieux que quiconque, devraient pourtant le savoir: en Amérique latine, chatouiller la fibre nationale est toujours un pari risqu