13 décembre, 2006

BUSH REPREND L’ENTRAÎNEMENT MILITAIRE

Pour s’opposer à l’ascension des gouvernements de gauche en Amérique latine et à l’influence croissante de la Chine dans la région, les Etats-Unis reprennent les programmes d’instruction pour les militaires des pays d’Amérique latine, dont ceux de la fameuse Ecole des Amériques [académie militaire étasunienne située en Géorgie et réputée pour avoir formé nombre de dictateurs latino-américains]. Il y a un peu plus d’un mois, le président Bush a discrètement révoqué une loi de 2003 interdisant l’assistance militaire et l’entraînement de soldats de certains pays [notamment ceux ayant refusé de signer un traité bilatéral d’immunité avec les Etats-Unis, consistant à s’engager à ne pas poursuivre de citoyens américains devant la Cour pénale de justice internationale]. Avec la levée de ce veto, le Pentagone espère intensifier l’entraînement des militaires et le transfert de technologies de défense vers onze pays d’Amérique latine (Barbade, Bolivie, Brésil, Costa Rica, Equateur, Mexique, Paraguay, Pérou, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Trinité-et-Tobago, Uruguay). “La loi de 2003 a eu un effet contraire à celui escompté, et s’est retournée contre son auteur. Elle a fini par limiter l’influence des Etats-Unis en Amérique latine”, explique un sénateur républicain, membre du Comité chargé des relations internationales. Washington va ainsi relancer le Programme d’instruction et de formation militaires internationales (IMET, International Military Education and Training). Il en résultera entre autres le renforcement du programme de formation des militaires latino-américains à l’Ecole des Amériques, rebaptisée en 2001 Institut de l’hémisphère occidental pour la coopération dans le secteur de la sécurité. En 1996, le Pentagone avait admis que les guides de formation utilisés par les militaires de l’Ecole des Amériques enseignaient des techniques de torture et d’exécution.

Pour Peter DeShazo, directeur du programme des Amériques au Centre d’études stratégiques et internationales et ex-secrétaire d’Etat pour l’Hémisphère occidental, la réduction des échanges militaires a affaibli la présence des Etats-Unis dans la zone. “Si les Etats-Unis ne s’engagent pas dans la région, d’autres pays vont le faire”, affirme-t-il. Ainsi, la Chine est venue occuper une place prépondérante et a établi des programmes d’échanges ou de collaboration militaire avec l’Equateur, la Bolivie, le Chili, Cuba, le Venezuela et la Jamaïque. “Il faut nous attendre désormais à une augmentation du nombre de militaires latino-américains formés à l’Ecole des Amériques”, déplore João da Silva, directeur de la communication de l’organisation School of the Americas Watch [organisation indépendante dont le but est de fermer cette école]. “Il s’agit d’un acte désespéré du gouvernement américain pour recouvrer son rôle d’acteur de premier plan dans la région.”
Patrícia Campos Mello O Estado de São Paulo