Le général Augusto Pinochet, accusé de meurtres et d'enlèvements d'opposants politiques pendant les 17 années de son régime, lutte à 91 ans contre la mort dans un hôpital militaire de Santiago après une crise cardiaque.
La cour d'appel de Santiago a ordonné la levée, contre paiement d'une caution, de la mesure d'assignation à résidence surveillée frappant l'ancien "caudillo" chilien depuis une semaine dans l'affaire de l'enlèvement de deux de ses opposants politiques en 1974, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
Pinochet a subi dimanche une angioplastie, une opération qui consiste à introduire dans les artères obstruées un ballon gonflable afin de rétablir un flux sanguin normal.
Il se trouve dans un état "satisfaisant" mais demeure "gravement malade", a déclaré dimanche soir le dr Juan Ignacio Vergara, qui a précisé qu'une deuxième opération n'était pas envisagée pour le moment, à moins que l'état du général n'empire sérieusement. "Nous allons tout faire pour ne pas en arriver là", a-t-il dit.
"Il est difficile de dire s'il est hors de danger. Les prochaines vingt-quatre ou quarante-huit heures seront décisives (...) Il peut y avoir des complications rénales ou des problèmes respiratoires", a-t-il précisé.
Lundi, le médecin a ajouté devant la presse que son patient resterait en observation à l'hôpital pendant "au moins dix jours".
Fervent catholique, l'ancien chef de la junte, hospitalisé en urgence dimanche vers 02h00 locales (05h00 GMT), a reçu l'onction des malades avant d'être opéré.
Son fils, Marco Antonio Pinochet a déclaré que son père se trouvait "dans un état très sérieux" et que les médecins avaient décidé de l'opérer "pour pratiquement le ramener d'entre les morts". "Nous sommes entre les mains de Dieu et des médecins", a-t-il ajouté.
Proches et amis du général se sont rendus à son chevet. Son ancienne secrétaire personnelle, Monica Ananias, est arrivée en larmes à l'hôpital.
Plusieurs dizaines de sympathisants de Pinochet se sont rassemblés aux abords de l'établissement, en brandissant des photos de l'ancien "caudillo". Certains étaient en pleurs, d'autres scandaient son nom.
"La famille est très inquiète tout en espérant qu'il s'en sortira", a déclaré à son arrivée à l'hôpital l'un des plus proches amis de l'ancien "caudillo", le général de réserve Luis Cortes Villa.
EN MAUVAISE SANTÉ DEPUIS DES ANNÉES
"Si je le pouvais, je donnerais un bout de ma propre vie au général pour lui permettre de continuer", a déclaré une femme en larmes.
Cette nouvelle défaillance de l'ancien dictateur relance les spéculations sur la décision que pourrait être amené à prendre le gouvernement chilien concernant ses funérailles. Certains Chiliens estiment qu'il mérite des funérailles nationales, d'autres y sont catégoriquement opposés.
Le porte-parole du gouvernement, Ricardo Lagos Weber, a refusé d'évoquer cette question.
A l'occasion de son anniversaire, le 25 novembre, Pinochet avait publié un communiqué où il disait assumer la "responsabilité politique" des actes commis lors du putsch qui l'avait porté au pouvoir en septembre 1973, faisant valoir que son seul objectif avait été "d'empêcher la désintégration du Chili".
L'ancien chef de la junte chilienne est en mauvaise santé depuis plusieurs années et son communiqué d'anniversaire, lu par sa femme Lucia à leur domicile, l'attestait. "Aujourd'hui, approchant de la fin de ma vie, je tiens à indiquer clairement que je ne nourris de rancoeur envers personne, que j'aime mon pays par-dessus tout", écrivait-il.
Deux jours plus tard, il était à nouveau assigné à résidence dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de deux gardes du corps de l'ancien président socialiste Salvador Allende, qu'il avait renversé en 1973.
Pinochet a été arrêté à plusieurs reprises, notamment pendant près de seize mois à Londres, entre 1998 et 2000. En octobre dernier, il avait déjà été assigné à résidence, accusé de tortures, de meurtre et d'enlèvement, puis libéré sous caution.
Environ 3.000 personnes ont été tuées ou ont disparu sous son régime, entre 1973 et 1990, et 28.000 ont été torturés.
Après le putsch de septembre 1973, des milliers de Chiliens avaient quitté le pays.
En 2000, la Cour suprême avait privé Pinochet, inculpé de 75 meurtres et enlèvements, de son immunité, ouvrant la voie à son procès. Mais deux ans plus tard, la cour avait rejeté ces chefs d'inculpation, estimant avec la défense que l'ex-dictateur était en trop mauvaise santé pour supporter un procès.