12 décembre, 2006

LA MORT D’UN VALET.


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« UN CRACHAT DE MÉPRIS »
PHOTO CLAUDIO POZO

Pinochet est mort dans son lit. Il n’a jamais mis les pieds dans une prison.  
La société chilienne a été profondément et durablement transformée par le régime de Pinochet.
Le Chili ne s’est pas encore libéré du lourd héritage de la dictature pinochetiste. La Constitution, encore en vigueur, a été votée sous la menace des baïonnettes. La plupart des juges actuels, comme les fonctionnaires, ont été mis en place sous l’administration du dictateur. La dette sociale de l’État envers les exclus du système ne cesse d’augmenter. Les pratiques de corruption s’étendent à toutes les échelles de l’État. Les pouvoirs de facto (armées, médias, judiciaire, patronat, etc.) continuent à imposer leurs choix de société. La concentration des pouvoirs politiques entre les formations qui soutiennent et renforcent le système en place, marginalise toute forme de contestation. A l’exception du Brésil, le Chili présente la plus inéquitable distribution de ses richesses, concentrées aux mains d’une infime minorité de privilégiés.

Font aussi partie de l’héritage : la concentration des médias et moyens de communication presqu’exclusivement aux mains de la droite. Le renforcement de l’exclusion et la non reconnaissance des peuples originaires. L’exploitation effrénée des richesses non renouvelables du pays par des multinationales. L’incapacité d’indignation des Chiliens face aux injustices, qui ressemble fort à de la résignation. Et surtout l’absence de vérité et de justice quant aux crimes de lèse humanité commis par la dictature qui grève l’avenir moral du pays. Les seules avancées partielles dans ce domaine ont été obtenues grâce à la longue lutte des victimes et de leurs familles pour leur reconnaissance, réhabilitation et réparation.

Le nom de Pinochet est aujourd’hui synonyme de félonie. Il n’a jamais été fidèle à rien ni à personne. Pas même au pays, alors qu’il a prêté le serment, en tant que soldat, de respecter la Constitution en vigueur, ni à Allende, lors de son investiture comme chef des armées, ni à ses prédécesseurs en tuant le général Prats et en libérant les assassins du général Schneider, ni à ses subordonnés sur lesquels, à l’heure de rendre des comptes, il a rejeté la responsabilité de nombreux crimes commis sous son mandat, ni, finalement, à ses plus fidèles adeptes qui ont défendu son intégrité jusqu’à la découverte de ses millions, déposés dans des banques américaines.

Cependant, bien que Pinochet ait été, de son vivant et de par le monde, associé à l’abject, il n’a jamais été jugé.

Au Chili, le statut de Pinochet relève du scandale. Il est mort en bénéficiant de la totale impunité malgré l’engagement des autorités chiliennes de le juger. Cette impunité a certainement fait partie des accords secrets qui ont permis à la Concertation (alliance de partis politiques de centre gauche au pouvoir) de prendre le relais après le dictateur.

La complicité du gouvernement chilien, de responsables politiques ainsi que de juges est évidente. Le ministre de l’intérieur anglais de l’époque, Jack Straw, porte aussi une part de responsabilité : il l’a laissé repartir de Londres, où il était en état d’arrestation, après que des examens médicaux truqués aient conclu que sa maladie l’empêchait de pouvoir supporter un procès.

A son arrivée au Chili, en sautant de sa chaise roulante, Pinochet a bien signifié au monde qu’il pouvait se moquer de tous.

Pinochet, symbole d’iniquité et de crime, pouvait narguer tout le monde car il jouissait de l’inavouable complicité de responsables politiques de divers pays, Chiliens, Anglais, mais aussi Nord-Américains.

Pinochet a pu se permettre tous ces agissements car il était secrètement considéré, par beaucoup de responsables, comme celui qui a sauvé les privilèges de classes et les intérêts des multinationales en même temps que le système capitaliste chilien.

L’exemple de la condamnation d’un dictateur aurait élimé les éventuelles vocations dont les pays développés, pourraient bien, à l’avenir, avoir besoin. Le continent africain nous rappelle en effet que cette option est toujours valable.

Dans cette optique, Pinochet, bien que trahissant systématiquement sa propre parole, n’a, en fait, jamais été qu’un fidèle à ses commanditaires de l’empire américain. En tant que pantin du gouvernement américain et des multinationales, Pinochet ne fut pas à proprement parler un traître, mais un fidèle laquais de l’impérialisme.

Parti Communiste Chilien – Coordination France.

Paris, le 11 décembre 2006.

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