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PHOTO MARTIN BERNETTI / AFP
Analyse Ce mardi 16 novembre, le Sénat conduira le procès en destitution du président Sebastian Pinera. Une affaire évoquée dans les Pandora Papers menace le très impopulaire chef de l’État, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle qui désignera son successeur.
par Gilles Biassette, à Santiago (Chili),
C’est une affaire mentionnée dans les Pandora Papers qui a mis le feu aux poudres : la vente d’une compagnie minière, la Minera Dominga, dont la famille Pinera était le principal actionnaire, à un homme d’affaires proche du chef de l’État pour 152 millions de dollars en 2010, lors du premier mandat de Sebastian Piñera (2010-2014).
DEBATE PRESIDENCIAL ANATEL 2021 |
En cause en particulier la clause qui liait l’un des versements, dans un paradis fiscal, à la condition qu’« une zone de protection environnementale ne soit pas établie sur la zone d’exploitation de la société minière, comme le demandent des groupes écologistes ».
L’environnement négligé pour assurer la vente ?
Le gouvernement de Sebastian Piñera a finalement pris la décision de ne pas protéger la zone où l’exploitation minière était prévue. Dans l’intérêt du Chili, ou dans le seul but de boucler la vente ? C’est à cette question que les sénateurs devront répondre au terme du procès en destitution du président qui aura lieu ce mardi 16 novembre – une première depuis le retour de la démocratie en 1990.
Le 9 novembre, les députés avaient, à la majorité absolue, retenu deux chefs d’inculpation contre Sebastian Pinera : « avoir enfreint ouvertement la Constitution et les lois » et « avoir compromis gravement l’honneur de la nation ».
Aux yeux du chef de l’État, il n’y a dans cette affaire rien de nouveau. Il estime qu’il y a déjà eu en 2017 « une enquête approfondie du ministère public » et que c’est « une affaire close par la justice ». À l’ouverture d’une enquête pénale début octobre, suite aux révélations des Pandora Papers, le parquet a toutefois précisé que les faits liés à la vente et à l’achat de la société minière « n’étaient pas expressément inclus » dans la décision de non-lieu de 2017.
Animación Víctor Paredes animación del mural realizado por Mono González para la franja de Gabriel Boric.
Sebastian Piñera, l’une des plus grandes fortunes du Chili
Pourtant, à Santiago prévaut l’idée que Sebastian Piñera n’est pas vraiment menacé. « Au Sénat comme devant la justice, je pense qu’il s’en sortira : c’est un homme très puissant, aussi bien financièrement que par ses relations », estime Luis, chauffeur de taxi à Santiago. Le président est l’une des plus grandes fortunes du pays du cône sud, ayant touché aussi bien au football qu’au transport aérien ou à l’immobilier.
Qui plus est, et comme aux États-Unis, la destitution du président exige le vote des deux tiers des sénateurs – soit 29 élus sur 43. Or l’opposition ne contrôle que 24 sièges. Il faudrait donc que cinq sénateurs de droite abandonnent le chef de l’État à quelques mois de la fin de son deuxième mandat, en mars.
Un discrédit qui pèse lourd à quelques jours de la présidentielle
Mais même si Sebastian Piñera est, au final, épargné, le discrédit qui entoure la fin de sa présidence n’est pas sans conséquences sur sa famille politique. La cote de popularité du chef de l’État sortant dépasse rarement 15 % dans les sondages depuis la crise sociale de 2019, et près de deux tiers des Chiliens se disent favorables à sa destitution. Lui ne peut pas se représenter à la prochaine élection car la Constitution limite à deux le nombre de mandats présidentiels – qui ne peuvent pas être non plus consécutifs.
Mais Sebastian Sichel, candidat de la droite à l’élection présidentielle le 21 novembre et ancien ministre de Sebastian Pinera, paie le prix de ce rejet : il ne dépasse pas la barre des 10 % dans les enquêtes d’opinion. Ce vide profite au candidat d’extrême droite José Antonio Kast, toujours prompt à défendre le bilan d’Augusto Pinochet, bien placé pour figurer au second tour.
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