José Antonio Kast, dans un meeting, le 25 octobre. PHOTO IVAN ALVARADO / REUTERS |
L’avocat de 55 ans, multimillionnaire, hostile à l’avortement, au mariage pour tous et qui veut armer les citoyens pour se défendre, affrontera au second tour le candidat de gauche Gabriel Boric.
Les États-Unis ont eu Donald Trump, le Brésil Jair Bolsonaro. Serait-ce le tour du Chili de voir arriver à sa tête un président très droitier ouvertement réac et sexiste ? Alors que les Chiliens étaient appelés aux urnes, dimanche, pour le premier tour d’une élection présidentielle particulièrement polarisée, le candidat d’extrême droite José Antonio Kast est parvenu à se qualifier pour le second tour où il affrontera le prétendant de gauche, Gabriel Boric.
Des vendeurs à la criée: « L'Arbre de l'espoir » le logo de campagne de Gabriel Boric. Tronçonneuse » DESSIN LAUZAN |
Fils d’un ancien officier de la Wehrmacht réfugié d’abord en Argentine puis au Chili après la Seconde Guerre mondiale, cet avocat de 55 ans est loin d’être un nouveau venu en politique. José Antonio Kast avait été élu pour la première fois député de Santiago en 2002 sous les couleurs de l’Union démocrate indépendante (UDI), parti conservateur fondé par des catholiques. Il est ensuite réélu trois fois au Parlement chilien et dirige même le groupe parlementaire du parti de 2008 à 2011. Le multimillionnaire quitte finalement l’UDI en 2016 pour se présenter une première fois à l’élection présidentielle en 2017. Kast ne recueille alors que 7,9 % des voix et ne peut faire mieux qu’une quatrième place.
Ultralibéral et conservateur
Cette fois, José Antonio Kast fait donc partie des favoris. Le candidat du Parti républicain – parti qu’il a fondé en 2019 – n’a pourtant pas changé une virgule à son programme. Comme en 2017, l’ancien député chilien défend un projet ultralibéral économiquement et très conservateur sur le plan sociétal. L’ancien proche du président sortant, Sebastián Piñera, suggère par exemple de donner un maximum de liberté aux marchés financiers. L’avocat fait également son beurre sur l’insécurité grandissante qui touche le Chili depuis plusieurs années en proposant d’autoriser le port d’armes pour les civils et le droit de tirer sur les cambrioleurs ou de fermer les frontières avec la Bolivie expliquant que cela permettrait de lutter efficacement contre le trafic de drogues. Le richissime avocat envisage également de creuser un fossé à la frontière nord du Chili pour éviter l’arrivée de migrants latino-américains.
Surtout, ce fervent catholique, père de neuf enfants, est vigoureusement opposé à l’avortement en toutes circonstances ou au mariage pour tous. Kast promet d’ailleurs que sa première mesure, en cas d’élection, sera de supprimer la loi de juillet 2017 du gouvernement socialiste dirigé par Michelle Bachelet qui autorise le recours à l’IVG en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Considérant que «les Chiliens ont besoin de Dieu», José Antonio Kast veut également remettre en place des cours de religion à l’école.
Inspiré par Bolsonaro et Trump
Le candidat du Parti républicain est aussi un nostalgique de la dictature d’Augusto Pinochet, période durant laquelle plus de 3 200 Chiliens sont morts ou disparus, et plus de 38 000 ont été torturés. En 1988, il vote évidemment pour la prolongation des pouvoirs du dictateur jusqu’en 1997 à l’occasion d’un référendum (le non l’emportera finalement largement et une transition démocratique aboutira). En 2017, lors de sa première élection à la présidentielle, il avait assuré que si le général Pinochet «avait été en vie, il aurait voté pour [lui]» rappelle le Monde. Surtout, en cas d’élection, Kast compte bien amnistier les militaires condamnés pour torture ou assassinat commis sous la dictature.
Proche du président brésilien, Jair Bolsonaro, sur le plan des idées, José Antonio Kast semble aussi beaucoup s’inspirer de l’ancien président américain Donald Trump. Notamment dans la façon de mener campagne. Comme le 45e locataire de la Maison Blanche, l’avocat n’a pas hésité à utiliser les attaques ad hominem pour tenter de se faire élire. Comme lors du dernier débat télévisé entre les candidats où il a demandé à son rival de gauche, Gabriel Boric, interné en 2018 dans une clinique psychiatrique pour traiter un trouble obsessionnel compulsif (TOC) de «rendre publique sa fiche médicale», comme le raconte Mediapart. Son slogan, «Oser faire du Chili un grand pays», résonne d’ailleurs fortement avec le célèbre «Make America Great Again» utilisé par le milliardaire américain dans sa conquête de la présidence américaine en 2016.